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Revue des Théâtres.

Malgré ses belles promesses et ses largesses de 1848, la république n’est pas une mère fort tendre pour les théâtres. La triste situation qui a commencé pour eux avec la révolution de février n’a fait que s’empirer depuis quelques mois, et l’état n’en est pas moins resté sourd au cri de détresse qui, dernièrement encore, s’est élevé vers lui. Faut-il l’en blâmer, et y a-t-il donc lieu de tant s’étonner qu’on ne veuille pas renouveler en faveur des théâtres le régime des ateliers nationaux ? Franchement, nous ne le pensons pas. On sait trop où mènent de pareils expédiens. Ce n’est pas que nous méconnaissions l’importance de l’art dramatique, ni ses titres à la sollicitude d’un grand pays. Bien loin de là ; mais il faut se demander, avant de venir au secours de l’art dramatique, si l’art dramatique est bien réellement en cause dans cette affaire. Nous le disons à regret, ce qu’on appelle la crise des théâtres pourrait bien n’être au fond qu’une crise industrielle, et dès-lors pourquoi l’état interviendrait-il dans un domaine où rien ne remplace la libre action du public ? Et même, si l’intervention de l’état pouvait être efficace, est-il donc bien nécessaire de conserver à si grands frais quelques débouchés factices aux tristes produits des faiseurs de mélodrames et de vaudevilles ? Les théâtres oublient trop, en nous étalant leur misère, qu’ils donnent eux-mêmes complètement raison à l’indifférence du public.

Nous avons assisté à quelques représentations récentes du Théâtre-Français, et, quoi qu’en dise cette critique de camarades, qui a toujours un coin de journal en réserve pour fêter l’avènement des médiocrités, nous ne saurions prendre au sérieux ni ces essais de proverbes, où l’on ne saisit, à défaut d’inspiration, que de pâles réminiscences de Marivaux ou de M. de Musset, ni ce gros drame qu’on nous dit tiré d’une page de Juvénal, et qui nous arrive en droite ligne du Caligula de M. Dumas. En vérité, c’est s’y prendre d’une singulière façon pour ramener les spectateurs que de jeter de pareils enfantillages à travers les graves préoccupations de la société contemporaine. Dans une sphère inférieure, on a, du moins, mieux compris les nouvelles conditions de la scène, et on a cherché le succès dans quelques parodies de nos mœurs politiques. Aussi le succès n’a-t-il pas manqué, et ce fait seul devrait éclairer les théâtres sur les exigences de leur situation. En définitive, ce n’est ni à l’état ni au public qu’il faut s’en prendre de cette situation difficile, mais non désespérée sans doute. Que la scène française revienne à l’accomplissement sérieux de sa mission, qu’elle se mesure hardiment avec les vices, les ridicules et les passions de notre époque, c’est alors seulement que, si le public lui faisait défaut, elle aurait droit de se plaindre. Qu’elle sache, en un mot, faire renaître la comédie contemporaine.

Jusque-là, nous ne voyons pas ce qu’il y aurait à encourager. Serait-ce par hasard ces réformateurs étourdis qui ont voulu entreprendre ce que leurs faibles mains ne pouvaient réaliser, révolutionnant la scène à peu près comme M. de Lamartine a révolutionné l’état, et qui expient aussi maintenant leurs folles témérités dans l’impuissance et l’abandon ? Qu’on nous signale un poète, un jeune esprit en mesure de doter le théâtre d’une œuvre éminente et grande ; ce n’est pas nous qui conseillerons de mesurer les récompenses à l’écrivain,