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« L’assemblée nationale, disait M. de Vincke, ne représente pas seulement les droits du peuple, mais les droits des souverains. Quant à moi, je me considère ici comme le mandataire de ces deux ordres, comme le représentant de ces deux droits. Pourquoi le dissimulerais-je ? je n’admets pas la souveraineté du peuple, mot équivoque, formule perfide d’où peuvent sortir de grands mots et où je cherche vainement une idée claire. » Après avoir brillamment défendu cette opinion, M. de Vincke, comme M. de Radowitz, réclamait exclusivement pour les souverains le droit de constituer l’autorité centrale ; il ne voulait pas que l’assemblée, suivant le projet Dahlmann, pût intervenir par son veto dans une affaire de cette gravité et gêner le libre mouvement des états constitutionnels. « Nous aimons nos princes, s’écriait M. de Vincke sans se laisser intimider par les clameurs de la galerie, nous aimons nos princes, nous autres Westphaliens, et nous sommes fiers que le grand-électeur nous ait appelés ses meilleurs, ses plus fidèles sujets ; nous aimons nos princes non pas comme des poupées, non pas comme un mal nécessaire, nous les aimons comme la libre Angleterre les aime. C’est pour cela que nous voulons maintenir leurs droits, afin que l’union des souverains et des peuples s’accomplisse sans dommage pour la dignité de chacun. » Toute cette partie du discours de M. de Vincke fut interrompue presque à chaque mot par les cris furieux des tribunes, tandis que la majorité de l’assemblée, peu favorable aux conclusions de l’orateur, applaudissait à son talent et à son courage. M. de Vincke ne protestait pas seulement contre l’intervention de l’assemblée dans l’établissement du pouvoir central ; il attaquait aussi le projet de former un directoire et soutenait avec force les avantages de l’unité. Point de directoire, mais un lieutenant de l’empire, telle était la conclusion de M. de Vincke. Cette opinion fut d’abord accueillie avec peu de faveur ; un membre très distingué de la droite, M. d’Auerswald, la combattit par des raisons judicieuses empruntées au rapport de M. Dahlmann et fort habilement mises en œuvre. L’assemblée paraissait incliner de ce côté ; mais, je l’ai déjà dit, la majorité hésita jusqu’au dernier jour entre les deux systèmes, et l’on sait qu’au moment décisif ce fut, sur ce seul point il est vrai, le programme de M. de Vincke qui triompha.

Pendant que les esprit sérieusement politiques, pendant que M. Heckscher, M. Bassermann, M. Welcker, M. de Beckerath, M. de Vincke, quoique divisés sur bien des détails, défendaient si brillamment la monarchie constitutionnelle, que faisaient les orateurs républicains ? M. Robert Blum est le seul qu’on puisse citer avec estime ; il évite presque toujours les lieux communs de ses confrères ; il est éloquent, il est habile, et sait se modérer à propos. Les autres M. Wesendonck, M. Trüschler, M. Eisenstück, M. Zitz, n’inquiéteront jamais les partisans de l’égalité démagogique ; ils fraternisent parfaitement sous le