Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 3.djvu/146

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

c’est à nous de créer seuls le pouvoir central. » — À ces mots, la gauche et le centre gauche applaudissent. Le centre et une partie du centre droit, sollicités depuis deux jours par des amendemens de toute espèce, indécis, déconcertés, trop heureux de suivre un guide si résolu et si ferme, éclatent aussi en bravos. — « Et pourquoi est-ce à nous de créer ce pouvoir ? reprend vivement l’orateur. C’est à nous de le créer parce que nous en avons besoin, et parce que nous ne sommes pas sûrs de l’avoir aussi promptement qu’il nous le faut, soit que nous réservions cette tâche aux gouvernemens, soit que nous voulions seulement les associer à notre œuvre. Si ce pouvoir central devait être un directoire de trois membres, la difficulté serait moins grande, les gouvernemens auraient moins de peine à faire leurs choix ; mais la majorité de cette assemblée incline à l’opinion contraire, qui est aussi la mienne : elle veut la force exécutive dans une seule main, elle veut un vicaire de l’empire entouré de ministres responsables ; de là des difficultés sans nombre pour les gouvernemens à qui ce choix serait confié, de là des lenteurs sans fin, des embarras inextricables, et c’est pour cela que nous devons créer nous-mêmes l’autorité centrale. » M. de Gagern ajoute que le vicaire de l’empire devra être nécessairement choisi parmi les membres des maisons souveraines. « Il nous faut, dit-il, un homme haut placé, un homme qui puisse compter sur l’appui de tous les états de l’Allemagne. » L’archiduc Jean d’Autriche, déjà désigné par l’opinion, par les journaux, par les comités particuliers est présenté à l’assemblée aussi clairement et aussi solennellement que possible dans le discours du noble orateur.

La séance du juin fut plus tumultueuse que jamais. Il s’agissait de poser la question, et les propositions se disputaient la priorité avec une vivacité extraordinaire. La gauche surtout semblait employer tous les moyens pour prolonger indéfiniment le débat. Quelques sévères paroles de M. Heckscher soulevèrent du côté de la montagne et dans les galeries un épouvantable tumulte. M. Hecksher est une belliqueuse nature qui provoque un peu trop volontiers les orages, sachant bien qu’il les supportera sans pâlir. En vain M. de Soiron, avec sa voix de stentor, espérait-il dominer le vacarme ; la gauche demandait impérieusement que M. Heckscher fût rappelé à l’ordre ; M. de Soiron s’y refusait. Le désordre devint si violent, que M. de Soiron fut obligé de se couvrir, et la séance fut renvoyée au lendemain. Le lendemain 26 après quelques paroles conciliantes de M. de Gagern, le vote put commencer ; il eut lieu presque constamment par appel nominal. Excepté pour les parties les moins importantes du projet de loi, et ne dura pas moins de deux jours. Voici les principales dispositions votées par l’assemblée. Au lieu d’un directoire composé de trois membres, un vicaire de l’empire ; le titre de président était expressément rejeté : 255 voix