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La première discussion qui occupa le parlement après l’installation du pouvoir central fut celle des droits fondamentaux (Grandrechte). L’assemblée y perdit un temps précieux pour un médiocre résultat. Commencée au mois de juin, cette discussion ne se termina qu’en décembre. Six grands mois de débats métaphysiques sur l’état, sur l’église, sur les universités, sur les communes, ce n’était pas beaucoup peut-être pour l’ancienne Allemagne ; c’était infiniment trop pour cette Allemagne nouvelle qui venait de se poser des problèmes si redoutables, et qui était harcelée chaque jour par le bruit de la guerre extérieure ou les entreprises de la démagogie. Il faut à ces controverses abstraites une société plus régulière et des loisirs mieux assurés : c’est là ce que n’ont pas voulu comprendre les savans professeurs réunis à l’église Saint-Paul. D’où vient la confusion de l’Allemagne actuelle, d’où vient l’irréparable échec du parlement de Francfort, sinon de cette obstination aveugle à se préoccuper de théories scholastiques, il ne poursuivre que des abstractions et des formules, sans souci de la réalité ? On le verra bien quand la constitution sera décrétée ; on put le pressentir, dès le mois de juin à l’occasion des droits fondamentaux. Pendant six mois, de juin à décembre, ce parlement établit un tournoi scientifique et littéraire à propos de la grande charte des droits de l’homme ; au lieu de fixer dans les termes les plus simples une déclaration de principes qui pouvait être rédigée et votée dans l’espace d’une semaine, il renouvela les luttes des universités du XIIIe siècle, il ouvrit des séances académiques, et convoqua tous les docteurs à l’assaut ou à la défense des thèses. Telle est la frivolité du pédantisme chez ce peuple réputé si grave, tel est l’irrésistible entraînement de l’habitude chez des hommes qui se vantent d’avoir rompu pour toujours avec le génie de la vieille Allemagne.

Les droits fondamentaux furent discutés au milieu de l’inattention générale. La foule, qui avait envahi jusque-là les galeries et les tribunes de l’église Saint-Paul, ne prit pas le même goût que les députés à ces dissertations savantes ; elle abandonna les séances du parlement. Deux tentatives furent faites pour abréger cet interminable travail ; un député de la gauche, M. Schoder, à la fin du mois d’août, proposa de voter sans délibération tous les principes qui restaient à établir : la proposition fut repoussée, et les débats recommencèrent. M. Bassermann renouvela cette tentative quelques semaines après, et, comme il demandait moins, il fut plus heureux. M. Bassermann obtint qu’il n’y eût qu’une seule discussion, une seule lecture au lieu de deux, chaque fois que cette demande serait appuyée par cent députés au moins : c’était là certainement une proposition bien modeste ; il n’est pas sûr pourtant qu’elle eût obtenu la majorité des voix, si elle ne se fût recommandée du nom de M. Bassermann.