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que la société civile. Cette sage opinion, quoique soutenue par la froide parole de M. de Beisler, quoique très vivement attaquée par le zèle fougueux des ultramontains et l’insolente ironie de M. Vogt, finit par triompher complètement. 355 voix contre 90 décident que l’église, comme toutes les autres associations, est et restera soumise aux lois générales de la société, aux prescriptions du droit, commun. Encore une fois, l’intérêt de ces débats est médiocre en présence des événemens qui se pressent et des difficultés qui s’accumulent. La politique étrangère nous appelle ; c’est là que le parlement va lâcher la bride à toutes les passions du teutonisme.

En discutant les droits fondamentaux, et c’est peut-être là leur excuse, les députés de Francfort semblaient impatiens de s’entretenir avec la nation allemande. Le premier parlement national, si long-temps invoqué, était réuni enfin. Chacun se crut obligé d’exprimer sa joie d’apporter sa théorie à la tribune, d’offrir à la grande patrie l’hommage de ses chères études, de ses longues et silencieuses méditations. Même empressement, et plus ardent encore, pour les questions de politique extérieure. Seulement, au lieu de converser avec l’Allemagne, c’est à l’Europe que s’adressent les législateurs de Saint-Paul. Tout fiers de ce pouvoir central qu’ils prennent déjà pour l’unité politique, ils veulent faire savoir aux pays voisins que l’Allemagne, maîtresse de toutes ses forces, libre dans tous ses mouvemens, est désormais une nation puissante à qui il convient de parler haut. Ce manifeste à l’Europe n’avait rien d’abord de très inquiétant. On discuta de nombreuses propositions, dont le but était de proclamer les principes qui guideraient désormais la politique extérieure de l’Allemagne, et de ces différentes propositions résulta un programme assez vague. « La première préoccupation de notre politique, disait l’assemblée, sera toujours de maintenir le droit et l’honneur de l’Allemagne. » Ces mots, le droit de l’Allemagne, ouvraient une large porte aux convoitises du patriotisme, et nous verrons que le parlement a bien su en profiter. Il est vrai que l’assemblée ajoutait aussitôt : « L’Allemagne n’arrêtera jamais d’aucune manière le développement intérieur des pays étrangers ; elle n’interviendra jamais, pour tel ou tel principe politique, dans les événemens et les luttes qui diviseront les nations voisines. » C’était, pour peu qu’on fût sincère, se tracer la voie la plus sûre ; c’était proclamer sans ambages ce principe de non-intervention que l’assemblée oubliera si promptement. Je ne parle pas des folles théories de la gauche à l’occasion de ce programme ; M. Arnold Ruge crut nécessaire de porter à la tribune les conclusions de sa philosophie et le résumé de ses livres, je veux dire l’abolition de la patrie. Une fois la patrie supprimée, une fois cet exécrable sentiment déraciné du fond des cœurs, plus de rivalités, plus de haines, plus de guerres ; chaque race d’hommes renonce à son