Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 3.djvu/181

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

reconstituée après cette débâcle inattendue à laquelle l’ont exposée si aveuglément l’impéritie et l’orgueil du prince Windischgraetz. Elle n’est pas sensiblement différente de ce qu’elle était au moment où commença la première campagne de Hongrie. Il est vrai, l’enthousiasme provoqué l’année dernière en faveur du gouvernement constitutionnel qui arrachait les Slaves au joug séculaire du Magyar s’est beaucoup refroidi. Aujourd’hui cependant l’espoir renaît, et les Austro-Croates se sont remis assez vigoureusement en position sur une ligne qui se développe depuis les rives de la Waag jusqu’à la frontière de la Croatie et de la Styrie, et de là, le long de la Draye jusqu’à Neutzatz au Banat de Temesvar, pays généreux ou le ban Jellachich et le Serbe Knichanin avec le patriarche Rajachich ont repris victorieusement l’offensive. Le chiffre des Austro-Slaves peut être d’environ cent cinquante mille hommes.

Ainsi, tandis que les Russes arrivent par la Hongrie septentrionale sur le théâtre de la guerre, les Autrichiens s’étendent au nord-ouest le long de la Waag, dans la partie occidentale de l’île de Schüt, qui s’ouvre près Presbourg et se ferme à Comorn, au sud-ouest le long de la Raab, au midi sur la Drave jusqu’à Eszeg, et ensuite sur le Danube jusqu’à Neuzatz, Carlowitz et Semlin en vue de Belgrade. Les trois armées, les Russes au nord, les Autrichiens à l’ouest, les Croates et les Serbes au midi, forment donc autour de l’armée magyaro-polonaise trois quarts de cercle dont le mouvement sera concentrique. D’autre part, le mouvement de l’armée hongroise consistera, selon toute vraisemblance, à reporter vers l’est, par-delà la Theiss, le centre de l’action, en sorte que le cercle, en se resserrant, devra se déplacer lui-même rapidement, et c’est ici que semble être le nœud de la question stratégique. Les Hongrois, qui comptent deux cent mille hommes sur le papier, mais qui ne peuvent mettre en ligne que cent mille hommes de troupes régulières et cinquante mille paysans mal armés, sans grand attachement au drapeau, ne seront-ils pas conduits, par l’inégalité des forces, à répéter la tactique qu’ils ont une première fois suivie et qui leur a si bien réussi ? Des positions occupées par les armées ennemies jusqu’à la Theiss, le sol n’offre qu’une plaine immense où la défensive n’a nul avantage de territoire à espérer et très peu de recours dans une défaite. Par-delà la Theiss, au contraire, apparaissent les premiers sommets des Carpathes de Transylvanie, où la lutte redevient facile, et où la singulière énergie de Bem a ménagé une retraite et comme une citadelle à l’insurrection. On se souvient que la faute principale de Windischgraetz a été précisément de méconnaître l’importance stratégique de la Transylvanie et de la laisser ouverte à la fuite des Magyars. Rien n’est plus difficile que de la reconquérir aujourd’hui par une attaque directe. Quand même il serait vrai, ainsi que le bruit en a couru, qu’un corps de Russes et d’Autrichiens aurait débouché par la Valachie pour prendre l’offensive contre Bem, ce ne serait point assez pour prévenir les difficultés que l’année hongroise peut encore créer à ses ennemis, à l’abri de ces mêmes Carpathes, qui ont si souvent, dans l’histoire, offert une retraite à des peuples menacés et aux Magyars eux-mêmes. La solution de la difficulté est donc dans le mouvement que les Croates avaient indiqué dès l’origine au prince Windischgraetz, et qui consistait à séparer La Transylvanie de la Hongrie par la jonction du corps d’armée de Gallicie marchant du nord au sud avec les Serbes du banat, qui étaient en force pour mar-