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apportant aux affaires plus de préjugés que de principes à l’épreuve de la pratique, ne savent pas prononcer le nom de la police sans une certaine horreur. Ceux-là prennent évidemment la police pour une institution immorale. Je n’éprouve pas les mêmes appréhensions en abordant une nécessité d’ordre public. La police honnêtement faite, la police qui prévient, est une magistrature comme la justice qui réprime ; mais, de même qu’un état social qui prodiguerait les châtimens aurait quelque chose de barbare, ainsi un gouvernement qui s’absorberait dans la police courrait le risque de fausser les caractères et de corrompre les mœurs. Laissons donc à chaque institutions son importance relative, et, si nous déplaçons le niveau de la société, que ce soit du moins pour l’élever.

On allègue, pour décider la création d’un ministère spécial de la police, que les renseignemens qui doivent frapper au moment opportun le regard du ministre s’éparpillent à travers plusieurs ministères et ne parviennent jamais aussi promptement qu’il le faudrait. Les préfets, nous dit-on, écrivent au ministre de l’intérieur, les procureurs-généraux au ministre de la justice, les colonel de gendarmerie au ministre de la guerre, et l’on perd beaucoup de temps à centraliser, lorsqu’il convient de le faire, tous ces documens venus des divers points de l’horizon administratif. Cette objection pèche par sa base. Tous les renseignemens qui peuvent servir à éclairer l’action de la police sont adressés au ministre de l’intérieur, tant par la gendarmerie que par les préfets. Les procureurs-généraux seuls correspondent avec le ministre de la justice, lequel transmet immédiatement à l’intérieur les dépêches réellement importantes. Pour compléter la centralisation dans le système actuel, il suffirait de prescrire à chaque procureur-général, dans chaque ressort, d’adresser directement au ministre de l’intérieur la copie des renseignemens qu’il transmet à son supérieur hiérarchique. Au surplus, quelque système que l’on adopte tout ministre de la justice aura la prétention bien légitime de n’autoriser aucune autre direction que la sienne pour tous ses subordonnés : les procureurs-généraux n’obéiraient pas plus au ministre de la police qu’ils n’obéissent aujourd’hui au ministre de l’intérieur. Le principe de la hiérarchie reste entier dans les deux cas, en supposant encore, ce que je ne suppose point, que la présidence du conseil soit déférée au ministre de la police. On ne gagnerait donc rien à cette innovation ou rénovation administrative. Ce serait une révolution d’intérieur sans objet comme sans portée.

Faut-il relever cette étrange observation qui a traîné dans cinquante journaux, et aux termes de laquelle les renseignemens adressés au ministère de l’intérieur seraient ou ne seraient pas connus du ministre lui-même, selon qu’il plairait à un chef de division de rester à son poste ou de quitter ses bureaux ? Rien ne ressemble moins à la réalité quotidienne. Tous les avis de cette nature aboutissent en effet directement au cabinet du ministre, qui ouvre lui-même ou fait ouvrir les dépêches confidentielles, et qui apprend ainsi ce qu’il doit savoir sans intermédiaire ni retard. L’organisation administrative de la police est aujourd’hui simple, expéditive et vigoureuse. Pour la capitale les pouvoirs se trouvent concentrés dans les mains du préfet de police ; pour les départemens, la même centralisation s’opère par les soins du chef de division ou directeur de la sûreté générale ; l’un et l’autre agissent sous l’œil et par