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l’impulsion du ministre dont ils dépendent. Il n’y a nulle part de ces superfétations qu’imaginent ou que tolèrent des gouvernemens novices. La contre-police de la commission exécutive a été supprimée. Partout règne l’unité d’action et de contrôle. Le succès tient, comme le veut la saine politique, au choix des agens et à l’impulsion que donne le ministre. La police sera toujours bien faite quand le ministre de l’intérieur s’en occupera lui-même avec intelligence, avec l’esprit de suite nécessaire et avec décision. À voir les complots qu’elle a prévenus ou déjoués depuis six mois, il me semble, que l’on aurait aujourd’hui mauvaise grace à s’en plaindre.

Ce que je viens de dire ne tend pas le moins du monde à diminuer ou à rabaisser l’importance du rôle que la police est appelée à remplir dans notre société. Ce rôle, sans être prépondérant, tient une grande place. Les partis extrêmes ont mis l’ordre social en état de siége. Pour mieux en assurer la défense, il faut le flanquer d’éclaireurs nombreux et actifs. Les sociétés secrètes, qui ont établi des affiliations jusque dans les plus petites communes, ont dressé partout un gouvernement insurrectionnel contre le gouvernement de fait et de droit. L’action de la police n’est pas moins nécessaire que celle des lois pour réprimer les menées de cette anarchie insolente. La surveillance doit s’étendre aussi loin et pénétrer aussi avant que la conspiration. Les conspirateurs ne sont plus une poignée d’hommes. Ils agissent sur certaines couches de la population qu’ils ont égarées ou perverties. Les mauvaises passions, convoquées à la curée, leur viennent en aide. La puissance de l’organisation répressive doit se mesurer à l’activité et à l’audace de l’agression.

Je l’ai déjà dit, il faut employer la police avec vigueur ; et la police, telle qu’elle est, suffit à sa tâche. Elle y répondrait encore mieux, si le secret en, protégeait toutes les opérations. Malheureusement l’assemblée nationale a cru pouvoir exiger du ministre de l’intérieur un compte-rendu des fonds de sûreté générale, et ce compte, dont je puis peut-être parler à mon aise, a mis un trop grand nombre de personnes au courant de ce que le ministre seul doit connaître. Les secrets du gouvernement ont pu être, quoique indirectement sans doute, livrés à ses ennemis. Ne voit-on pas figurer, parmi les représentans contre lesquels l’assemblée vient d’ordonner des poursuites, des hommes qui ont pris part à l’examen des comptes des fonds secrets que les ministres ont rendus ? Personnellement, un ministre qui a bien géré les intérêts et les fonds de l’état ne peut qu’éprouver une grande satisfaction à décharger sa responsabilité par des explications, même minutieuses, entre les mains d’une commission qui lui rendra un hommage public ; mais la raison politique veut que ce qui est secret de sa nature ne puisse pas transpirer, non-seulement par la publicité, mais encore par les confidences qui circulent dans l’intimité des partis. Une commission de quinze membres examinant l’emploi des fonds qui alimentent la police m’a toujours paru une folie parlementaire. Le président de la république est seul compétent pour cet examen. L’assemblée actuelle s’honorerait en renonçant à une tradition récente qui a déjà rendu la police difficile, et qui pourrait bien la rendre impossible. L’art du gouvernement pour les assemblées consiste à bien placer leur confiance ; mais, cette confiance une fois donnée, il faut se garder d’enchaîner la liberté d’action.

On le voit par ce qui précède, le ministre chargé de faire la police a et doit