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avec passion vers leurs frères de Pesth. Dès le mois de mai, ils demandaient leur réunion à la Hongrie ; le mois suivant, la diète transylvaine, livrée tout entière à leur influence, prononçait cette réunion : les Saxons, qui s’y opposaient, étaient d’ailleurs tout aussi décidé que les Magyars à ne plus rester Transylvains ; ils s’étaient laissé séduire comme tant d’autres, par cette grande et chimérique idée de l’unité allemande. Ce système politique, fondé uniquement sur la conformité des langues, et qui nous ferait rétrograder aux temps de la tour de Babel, avait alors ses hommes d’état à Francfort. En vertu de leur principe, les unitaires allemands étendaient une main sur la Lorraine et l’Alsace ; pourquoi l’autre n’aurait-elle pas atteint jusqu’aux monts Karpathes ? Voilà ce qu’on appelait, dans l’école ethnographique d’outre-Rhin, les frontières naturelles de l’Allemagne ! Une députation de Saxons fut chargée de porter à la constituante de Francfort une adresse un peu emphatique.

« Frères allemands, disait l’orateur, depuis sept siècles, une branche de l’arbre national, du chêne gigantesque de la Germanie, a été plantée dans les vallées orientales des Karpathes ; ses racines étendues ont dû pénétrer et se nourrir incessamment dans le sol de la mère-patrie ; c’est ainsi que l’air et la lumière allemande ont continué à nous animer et nous éclairer. Au milieu des institutions aristocratiques et féodales des autres peuples qui menaçaient d’étouffer notre civilisation, nous sommes restés citoyens allemands… Oui, frères ! malgré la séparation, nous avons conservé l’antique fidélité germaine, les mœurs et la langue de nos pères communs… Au moment où l’édifice européen croule, de toutes parts, il manque au législateur, comme à Archimède, un point fixe pour appuyer et soutenir le monde. Ce point est trouvé. Que la patrie allemande s’étende partout où se parle la langue allemande ! Nos cœurs entonneront avec vous l’air national qui retentit de la Vistule jusqu’aux bords du Rhin. Ni les fils n’ont oublié leur mère, ni la mère ses fils. Des voix généreuses se sont fait entendre dans la ville impériale, au sein même de cette assemblée, pour maintenir les droits de l’Allemagne transylvaine ; nous aurions voulu sans doute que notre grande et puissante mère prit une voix plus forte et ne se bornât pas à prier la petite nation des Magyars, mais lui ordonnât de respecter la nationalité allemande[1]. »

Que faisaient, de leur côté, les Roumains ou Valaques ? Ils voyaient leurs anciens maîtres divisés, et près de s’écrouler cette triple union sous le joug de laquelle ils avaient long-temps gémi ; vers quelle patrie lointaine allaient-ils cependant tourner leurs regards ? Leur nom, leur généalogie romaine, eussent-ils été aussi bien établis que la filiation allemande des Saxons, la république romaine de Mazzini n’existait pas encore ; elle n’avait point de légions à envoyer au secours de ses petits-fils. Les Valaques avaient réclamé, dans les dernières diètes, leur émancipation

  1. Extrait du discours de l’envoyé saxon et de l’adresse de la municipalité d’Hermanstadt du 9 juin 1848.