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REVUE DES DEUX MONDES

LE PÈRE ALEXIS

Adieu, mon cher fils.

VALENTIN.

Adieu, mon père, peut-être jusqu’à l’éternité. (Il s’agenouille.) Bénissez-moi.

LE PÈRE ALEXIS.

Du fond de mon cœur. Allons, mon enfant, dans la vie et dans la mort, gloire à Dieu ! (Ils s’embrassent.) Si vous avez des blessés, amis ou ennemis, ce sont vos frères. Parlez-leur du ciel.

II.
Une rue.
Les boutiques sont fermées. Les habitans se rassemblent par petits groupes inquiets près des portes. On entend des coups de fusil.
UN BOURGEOIS.

Eh bien ! qu’est-ce qu’il y a donc ? Les journaux ne disaient pourtant rien ce matin !

L’ÉPICIER.

Il paraît que ça chauffe.

JEAN BONHOMME.

Est-ce que nous n’y allons pas ?

L’ÉPICIER.

Et où ?

JEAN BONHOMME.

Au feu. On a battu le rappel.

UNE PORTIÈRE.

Même qu’ils ont tué les tambours. Ils sont maîtres partout.

LE BOURGEOIS.

Qui ça ?

LA PORTIÈRE.

Les rouges. (Marques de terreur.)

LE BOURGEOIS.

Allons, citoyens, mettons nos uniformes.

L’ÉPICIER.

Tiens, pourquoi n’avez-vous pas le vôtre, vous ? Moi, je n’y vais pas. J’en ai assez du gouvernement. Qu’est-ce que ça me fait que les rouges soient maîtres ? Ils mangeront du gruyère comme les autres.

JEAN BONHOMME.

Et ils aboliront les dettes, n’est-ce pas, voisin ?

L’ÉPICIER.

Qu’est-ce que vous voulez dire ?

JEAN BONHOMME.

Je veux dire que, quand tout le monde fait faillite, il n’y a plus de honte à déposer son bilan.