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REVUE DES DEUX MONDES


LE BOURGEOIS.

Mais enfin me direz-vous ce qu’il veut le peuple ?

L’ÉPICIER.

Cela ne vous regarde pas.

LE PORTIER.

Le peuple veut être heureux et libre.

JEAN BONHOMME.

Le peuple veut la tranquillité et un dictateur.

BAISEMAIN.

C’est cela, et la liberté.

JEAN BONHOMME.

La liberté, j’en ai plein le dos.

BAISEMAIN.

Ne parlez pas ainsi.

JEAN BONHOMME.

Je parle à ma guise, et ce n’est pas un individu panné comme toi qui me fera taire. Quel est ton métier ? Tu m’as l’air d’un faignant.

BAISEMAIN.

Vous ne savez pas à qui vous parlez. Je suis Baisemain, l’un des rédacteurs de la Lanterne sociale.

JEAN BONHOMME.

Eh bien ! Baisemain, rédacteur de la Lanterne sociale, si tu dis un mot, je te ferai voir trente-six chandelles.

BAISEMAIN.

Vous ?

JEAN BONHOMME.

Moi-même, Jean-Jérôme Bonhomme, marchand fruitier patenté, père de six enfans légitimes, entends-tu ?

BAISEMAIN.

Vous êtes un digne citoyen, et je m’étonne de vous voir parmi les réactionnaires.

JEAN BONHOMME.

Réactionnaire, moi ! Attrape ça, gredin. (Il lui détache un soufflet. Baisemain fait cinq ou six pas en arrière et tombe.)

UN GAMIN.

Comme c’est mouché ! bis ! (Les coups de fusil se rapprochent. On entend crier : Aux armes !)

LA PORTIÈRE.

C’est les rouges ! Ils ont des fusils de la ligne. (Tout le monde rentre. Baisemain reste sur le pavé. Une troupe d’insurgés envahit la rue. Elle est commandée par Rheto.)

RHETO. (Habit vert, chapeau pointu, barbe longue. Il a deux pistolets à sa ceinture, un fusil de chasse en bandoulière, un sabre turc à la main.)

Vive la république sociale !

VOIX DE LA BANDE.

À bas les bourgeois !

RHETO.

Halte ! (Il aperçoit Baisemain.) Relevez cet homme