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LE LENDEMAIN DE LA VICTOIRE


BAISEMAIN.

À moi, citoyens !

RHETO.

Tiens ! c’est le farouche Baisemain ! Que fais-tu là ?

BAISEMAIN.

J’étais seul pour insurger ce quartier. Un garde national m’a tiré un coup de fusil en fuyant.

RHETO.

La balle t’a effroyablement poché l’œil. Ton nez sanglant flue comme l’urne d’un fleuve classique.

BAISEMAIN.

J’offre mon sang à la patrie ; qu’il coule pour la république sociale !

GUYOT.

Commandant, si le citoyen voulait, il pourrait nous servir de cadavre ?

RHETO.

Qu’en dis-tu ?

BAISEMAIN.

Non ; je me sens la force de combattre encore. Je vais ici près me faire panser, et je vous rejoins. Citoyens, vive la république sociale ! Ne me plaignez pas d’avoir souffert pour elle. Heureux ses martyrs ! (Il s’éloigne.)

LES INSURGÉS.

Vive Baisemain !

RHETO.

L’intrigant ! il tirera bon parti du coup de poing qu’il a reçu et qu’il s’est peut-être donné lui-même. (À sa troupe.) Citoyens, cette position est importante. Il faut ici une barricade. À l’ouvrage, et dépêchons-nous ! (On dépave.) Trente fusils de bonne volonté.

HOMMES ARMÉS.

Présens !

RHETO.

Partagez-vous ces fenêtres à droite et à gauche. Si on résiste, vous avez des baïonnettes. Ménagez vos cartouches.

UN INSURGÉ.

Citoyen commandant, il faudrait un peu de charpente pour soutenir la barricade.

RHETO.

Entrez dans ces maisons, et requérez les meubles du premier et du second étage pour un service national ; mais ne laissez pas approcher des caves.

UN GAMIN.

Aujourd’hui nous travaillons pour nos frères les ébénistes et les vitriers ; demain on fera quelque chose pour ces pauvres vignerons.

(Des hommes armés paraissent aux fenêtres des étages supérieurs. La barricade s’élève rapidement ; on la couronne d’un drapeau rouge.)
LES INSURGÉS.

Vive la république sociale ! À mort les aristos !