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LE LENDEMAIN DE LA VICTOIRE

LE COMTE.

Oui, mon Dieu ! sans haine et sans regrets.

LA COMTESSE.

Mon Dieu ! pardonnez-moi comme je pardonne.

LE COMTE.

Oui.

LA COMTESSE.

Mon Dieu ! je remets mon ame entre vos mains.

LE COMTE.

Oui, mon Dieu !

LA COMTESSE.

Mon Dieu ! je vous bénis. Pour dernière grace, accordez-nous que nos enfans sachent que leur père est mort le pardon sur les lèvres et l’espérance dans le cœur.

LE COMTE.

Ainsi soit-il !

LA COMTESSE.

Ils viennent, ils vont t’insulter ; ne réponds pas ; pense à ton Dieu insulté sur la croix.

(La porte cède ; les insurgés entrent pêle-mêle et remplissent la chambre.

Rheto cherche encore à les contenir ; il reçoit quelques bourrades.)

GRIFFARD, montrant le comte.

Le voila, le brigand !

REQUIN.

Voilà celui qui s’est baigné en juin dans le sang de nos frères !

SIMPLET, ivre.

Vieille canaille ! Avoir une cave comme il en a une, et boire encore le sang du peuple !

FURON.

Voyez comme c’est logé ! Rien que dans cette chambre, il y en a pour plus de dix mille francs. Avec ça, on nourrirait dix familles. Ah ! gredin !

(Il brise un meuble avec la crosse de son fusil.)
REQUIN.

À mort les aristocrates !

RHETO.

Mes amis ! mes amis ! écoutez votre chef…

SIMPLET.

Notre chef ? Il n’y a pas de chef. Je ne reconnais que Jésus-Christ, moi.

UN AUTRE, à Rheto.

Ne fais pas ton fier, chef ! Laisse le peuple punir les aristocrates.

GUYOT, bas.

Commandant, ça va chauffer ; prends garde de te compromettre. Je vois ici des hommes du Vengeur.

RHETO.

Je ne puis laisser assassiner ce vieillard.