Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 3.djvu/370

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une distinction très nette entre les patriotiques paroles de M. de Gagern et les grossières invectives du démagogue badois. C’est bien vainement aussi que le roi de Prusse et le vicaire de l’empire, vers le milieu du mois d’août, eurent une solennelle entrevue à Cologne à l’occasion des fêtes de cette belle cathédrale, considérée comme un des symboles de l’unité allemande. Une foule immense y assistait ; presque toute l’assemblée de Francfort s’y était rendue. Le roi de Prusse et l’archiduc Jean échangèrent des promesses d’amitié, de concours si sincère, de dévouement patriotique à la cause commune, et M de Gagern, au nom du parlement, ayant prononcé des paroles d’espoir sur l’unité de la patrie : « L’unité ! s’écria Frédéric-Guillaume en interrompant l’orateur, c’est ma pensée de toutes les heures, c’est la constante préoccupation de mon ame. » Belles promesses, enivremens d’un jour, qui n’empêchaient pas les anciens griefs de reparaître le lendemain, aussi amers, aussi inflexibles que la veille !

Le mécontentement de Frédéric-Guillaume très habilement exploité par les conseillers piétistes de 1847, détruisit peu à peu l’influence des constitutionnels, et finit par leur enlever le pouvoir. Ce parti avait eu tour à tour deux ministères, celui de M Camphausen et celui de MM Auerswald et Hansemann. Ni l’un ni l’autre n’avaient su comprimer les désordres de la rue et se mettre d’accord avec Frédéric-Guillaume IV sur les rapports du gouvernement prussien avec l’assemblée de Francfort. La chute du ministère Auerswald et Hansemann fut une complication bien fâcheuse au milieu d’une crise déjà si grave. En abandonnant les chefs du parti constitutionnel pour les théoriciens de l’absolutisme, le roi de Prusse augmentait les forces de la démagogie. C’est en vain que M. de Beckcrath, envoyé tout exprès à Berlin, espéra faire prévaloir auprès de lui un sage esprit de libéralisme ; rien ne put triompher de la défiance royale. L’occasion était belle cependant pour un esprit moins fantasque ; le parlement de Francfort, après les rudes avertissemens du 18 septembre, l’entrait dans les voies d’une politique meilleure ; il allait devenir désormais un des plus sûrs remparts de l’ordre ; il allait acquérir de plus en plus une grande et féconde autorité morale. Qui sait ce qui serait arrivé, si Frédéric-Guillaume IV, cherchant un appui intelligent dans l’assemblée de l’Allemagne, se fût décidé à suivre résolûment les voies constitutionnelles ? Qui sait si l’esprit de désordre, introduit par bien des endroits dans la constitution de l’empire, n’eût pas été plus facilement repoussé ? Le roi de Prusse se défiait du parlement national ; le parlement se vengera en se défiant du roi de Prusse, et de là cette mollesse avec laquelle certains députés de Saint-Paul laisseront insérer dans la constitution impériale plusieurs articles ultra-démocratiques. Une conduite résolue, un libéralisme sincère de la part de Frédéric-Guillaume IV, imprimant aux