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REVUE DES DEUX MONDES.

GALUCHET.

Voilà précisément mon avis. Dans la force ouvrière, on n’est pas content non plus. On accuse le ministère de mollesse. Plusieurs ministres tourmentent les bons citoyens ; tous les jours, quelques-uns de nos amis sont destitués. Les conspirations s’ourdissent dans l’ex-garde nationale.

LIBERIA.

Il serait temps que le Vengeur prît la dictature.

GALUCHET.

Tu dis le mot, ma biche. Le consul est un avocat, un bavard, un joufflu. Je déteste les avocats, les bavards et les joufflus. Celui-ci, en outre, est plein de préjugés, il n’a pas d’imagination, toutes les idées lui font peur, on ne voit rien d’original paraître à son étalage. Bref, j’en ai assez. Il faut, comme dit ce phraseur de Rheto, une main ferme au gouvernail du vaisseau de l’état, et qu’on nous serve du neuf.

CHENU.

À bas le consul !

GRIFFARD.

Citoyen représentant, ce mot n’est pas parlementaire. — À propos, depuis que la constitution est votée, que faites-vous à la convention ?

CHENU.

Nous sommes bien sages, va. De petites séances de deux heures, une ou deux par semaine, pour voter des poursuites ou des sentences contre les collègues suspects ; point de discours, point de bruit, point d’interruptions, point de public… Il faudra finir par nommer des femmes pour qu’on jase un peu.

GRIFFARD.

J’ai envie d’y aller voir un de ces jours.

CHENU.

Ce n’est pas dangereux, mais ce n’est pas amusant.

GALUCHET.

On passe un moment agréable à regarder la figure raflée des anciens. Ils ne peuvent, malgré leurs efforts, se mettre au pas de la révolution. Eux qui marchaient les premiers, ils s’étonnent d’être distancés toujours. Cependant ils n’ont encore rien vu, du moins je l’espère. Venez ce soir dîner. Je vous lirai ce que je fais en ce moment rédiger par Rheto. Ce sont mes idées sur le gouvernement et sur l’avenir de l’humanité. Quand nos ci-devant exagérés entendront cela, ils se trouveront mal.

GRIFFARD.

À ce soir. Je vais rejoindre le Vengeur.

GALUCHET.

Fais-lui bien entendre qu’il faut qu’on marche, sacrebleu ! (À Libéria.) Allons au bois. Chenu, viens avec nous, tu nous feras rire. (Il chante.)

En chasse, et chasse heureuse !
Allons mon amoureuse,
Le pied dans l’étrier.

Chenu, ces vers-là sont meilleurs que les tiens.