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N’avait-il pas formellement déclaré dans ses dépêches que la distinction faite jusque-là par l’Angleterre entre le parti carliste et le gouvernement d’Isabelle résidait tout entière dans le promesses de liberté constitutionnelle proclamées par celui-ci ? Or, au moment même où le noble lord accusait (on sait avec quel fondement !) le cabinet Narvaez de ressusciter l’absolutisme, le comte de Montemolin adhérait, lui, par un manifeste dont on ne contestera pas l’à-propos, aux idées et aux besoins de l’époque. N’était-on pas fait pour s’entendre ? Cabrera a été plus explicite encore. La Catalogne et l’Aragon ébahis ont vu le nom du comte de Morella au bas de proclamations où les mots d’humanité, de progrès, de liberté, émaillaient de démocratiques malédictions contre le despotisme de Madrid. Cabrera humanitaire et jurant haine aux tyrans ! voilà, à coup sûr, une des bonnes excentricités de cette année 1848. Je n’ai pas à raconter les exploits de cette coalition errante ; elle n’a pas réussi à réaliser une seule combinaison stratégique. Cabrera, après avoir rallié en Catalogne les débris de la bande d’Atmeller, se dirigeait avec confiance vers le Haut-Aragon, où un mouvement exalté éclatait à point nommé pour favoriser sa jonction avec la bande républicaine qui venait de pénétrer eu Navarre, et qui elle-même devait être appuyée sur ses derrières par une diversion montemoliniste du général Alzaa : cette longue ligue insurrectionnelle fut instantanément coupée et écrasée en ses trois points principaux. Refoulé dans la Haute-Catalogne, séparé des débris de sa troupe, abandonné par ses officiers, traqué à la fois par l’armée et la population, Cabrera s’est résigné à mener durant quelques mois, dans les montagnes, une existence d’obscur bandit, écrivant lettres sur lettres au prétendant pour le presser de venir se montrer. Celui-ci n’est venu se montrer qu’à nos gendarmes. Plus irrité que découragé, rappelé même, dit-on, Cabrera n’a plus hésité dès-lors à quitter une partie où le principal intéressé ne semblait vouloir mettre ni le cœur ni la main, et le fort Lamalgue a été la dernière étape de cette bruyante insurrection qui avait pour elle le concours de trois drapeaux, une ligne expéditionnaire de cent lieues, des intelligences à Madrid, à Saragosse, à Séville, à Cadix, à Gibraltar, des éclaireurs armés sur presque toute l’étendue des côtes, un crédit à Londres, des magasins à Woolwich et il Portsmouth.

D’où provient cet immense et subit avortement ? J’en pourrais trouver l’explication matérielle dans le soin qu’avait pris le gouvernement espagnol de recueillir peu à peu et sans bruit, ces dernières années, les armes à feu disséminées chez les paysans, — dans la vigueur des premières opérations militaires, qui n’a pas permis aux diverses bandes insurrectionnelles de s’agglomérer. — dans l’habile système de battues organisé en Catalogne, système qui avait le double avantage de soumettre tous les points suspects à une surveillance continue, sans fatiguer