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gues ; on revient à Salente, telle que la voulait Fénelon, qui faisait une cité à l’instar d’un couvent. Tout cela est dans le sens des institutions républicaines, nous en convenons ; mais qu’en disent les exposans de l’industrie française ?

Est-ce à dire que, pour aider nos fabricans et nos négocians à faire des entreprises à longue échéance, nous voulons changer la forme du gouvernement ? Est-ce à dire que nous voulons le rétablissement de la royauté de 1814, de celle de 1830 ou l’empire ? Non, mille fois non. Vouloir l’empire, c’est vouloir choisir entre les diverses dynasties qui ont régné en France ; c’est attrister les affections sans protéger davantage les intérêts, car que pourrait un empereur et un roi que ne puisse le président de la république ? Y aurait-il une force de plus quand il y aurait un nom de moins, celui de république ? Les inconvéniens de la république ne tiennent pas à son nom ; ils, tiennent aux institutions. Nous n’en sommes pas à croire, comme certaines gens, que le mot de république impose nécessairement telles ou telles institutions. Les institutions que comprend ce mot dépendent de la volonté du pays, il n’y en a aucune qui soit nécessaire au mot, et de même enfin que la croyance en Dieu comporte divers cultes, le nom de république comporte aussi diverses institutions.

Il y a eu des monarchies qui avaient des institutions plus républicaines que celles de certaines républiques ; il y a en des républiques qui ont eu des institutions plus monarchiques que celles de certaines monarchies. Tout dépend du temps, du pays, des mœurs. Il y a cependant entre la monarchie et la république une différence que nous devons constater, quoique nous demandions en même temps la permission de l’exprimer comme nous la voyons. Dans la république, les pouvoirs semblent durer peu de temps ; dans la monarchie, les pouvoirs semblent durer long-temps.

Nous exprimons la différence de cette manière, parce que, d’une part, nous nous souvenons qu’il y a eu des républiques qui admettaient fort bien des pouvoirs viagers, et d’autre part, parce que nous écrivons dans un pays qui abrège la durée des monarchies par des révolutions. Que servirait-il donc, nous le demandons, de proclamer la monarchie ou l’empire ? Disposerions-nous cette fois plus souverainement de l’éternité que nous ne l’avons fait en 1814 et en 1830 ? Enchaînerions-nous d’un lien plus fort le génie révolutionnaire ? Non. Allons au fond de la pensée de ceux qui seraient disposés à rétablir l’empire. Que veulent-ils ? Ils pensent, comme les fabricans, comme les négocians, comme les ouvriers, qu’un gouvernement à courte échéance ne peut pas suffisamment pourvoir au maintien de l’ordre et de la sécurité publique. Cette pensée est juste ; mais, pour la réaliser, il n’est pas besoin de changer le président en empereur : il n’est besoin que de rendre son pouvoir plus durable, c’est-à-dire de réviser la constitution, ce qui est permis et prévu.

Réviser la constitution ! dira-t-on ; mais vous n’y pensez pas. Toutes les précautions sont prises. Ce n’est que dans la dernière année que l’assemblée législative peut demander la révision. Alors une convention s’assemble, et l’assemblée législative lui fait place. Supposez même que les réviseurs veuillent que le président ait un pouvoir qui dure plus de quatre ans ; cette disposition ne s’appliquerait qu’au président futur. Vous ne pourrez donc pas échapper à l’instabilité que vous redoutez, et, comme vous le voyez, toutes les précautions sont prises… pour périr !