Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 3.djvu/567

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’animaux, de fleurs et de fruits. Ce sont les Flamands qui remplaçant désormais l’interprétation par l’imitation de la nature, ont ouvert la troisième période de l’art, la période naturaliste, celle que nous subissons aujourd’hui en dépit de toutes les tentatives de restauration grecque et romaine, de réhabilitation du moyen-âge ou des écoles postérieures. Vainement, comme je le disais en commençant, l’admiration des types antiques inspire-t-elle à nos artistes le désir pieux de les reproduire, ou tout au moins de les adapter au présent : cet éclectisme ne fait que des érudits, des érudits utiles, si l’on veut, et dont les travaux ne sont point sans influence ; mais là n’est pas la vie, là n’est pas l’avenir. Tandis que nous reconstruisons des souvenirs et que nous nourrissons des regrets, le courant du siècle nous emporte. Dieu sait où, mais bien loin de ces régions idéales vers lesquelles nous avions cru pouvoir remonter.

Ainsi, en écartant de trop nombreux emprunts, si nous recherchons ce qui nous appartient véritablement en propre, que trouvons-nous ? Le paysage, les peintures d’animaux et le tableau de genre : triste bilan, quand on se reporte aux richesses d’autrefois. La grande peinture, les tableaux religieux, les compositions historiques dans l’acception traditionnelle du mot, ne se composent que d’imitations plus ou moins habiles. L’originalité ou plutôt le germe d’originalité de l’époque actuelle, c’est un sentiment des harmonies du monde physique que l’antiquité ne semble pas avoir connu, que l’âge chrétien n’admit qu’accessoirement et qui reste le seul goût, la dernière aspiration d’une génération vieillie. Ce sentiment encore instinctif revêt, chez la masse, une expression grossière, et n’est qu’une sorte de protestation brutale contre les anciennes traditions. Ce sont les réalistes purs. Chez quelques-uns, et c’est un bien petit nombre, il est accompagné d’une recherche de l’idéal, d’un certain parfum de poésie intime, senteur avant-courrière peut-être d’un printemps nouveau. Si ces deux élémens, naturalisme et rêverie, parviennent à se combiner dans une juste mesure si le premier ne se développe pas de façon à absorber le second et à nous conduire, de dégradations en dégradations, jusqu’aux dernières extravagances du matérialisme hollandais, l’art moderne aura rencontré une formule durable et féconde.

Le salon de 1849 exprime assez exactement la phase présente d’incertitude et de transition. À ce point de vue, il offre un intérêt tout spécial. Imitation et fantaisie réaliste, ces deux tendances, qui partout prévalent sur les anciennes distinctions d’écoles, nous indiquent le seul ordre logique à suivre dans ce dépouillement des derniers travaux de la peinture contemporaine.