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enlacé dans un inextricable agencement un monstre aux mille replis, cavalier monté sur un hippogriffe, une jeune fille nue et enchaînée, chacun reconnaît Andromède. Transportez cette même jeune fille sur un autel, sans plus de vêtemens, mettez-lui un flambeau à la main, rassemblez autour d’elle, au hasard, des quatre coins du monde, une douzaine de personnages aux types et aux costumes divers, quand bien même vous vous donnerez la peine de me dire leurs noms, Alcibiade, Confucius, Pascal, Cuvier, etc., en serai-je plus avancé ? Qui devinera le Triomphe de la Vérité ? C’est pourtant ce qu’a fait M. Mussini. M. Mussini a mieux réussi dans sa Musique sacrée, qui rappelle certaines figures de l’école du Pérugin.

Avec la Lady Macbeth, de M. Muller, on entre dans un ordre plus grave. Le choix du sujet, un grand appareil dramatique, une ressemblance marquée avec les compositions de M. Delaroche, font, au premier abord, que l’attention se recueille, et préparent le spectateur à un examen sérieux. Il était bruit par avance de ce tableau, qui promettait, disait-on, un grand peintre d’histoire de plus. M. M Muller connu jusqu’ici pour un coloriste effréné, et qui, à travers les plus déplorables écarts, ne laissait pas que de révéler une véritable puissance, M. Muller, reniant ses péchés de jeunesse, avait cette fois abordé le style et mis au service d’une pensée plus haute ses facultés, jusque-là gaspillées. L’événement a-t-il confirmé ces espérances et ces promesses ? En aucune façon, j’ai regret de le dire. M. Muller a échoué, et, ce qui est grave, pour des causes qui semblent devoir se reproduire fatalement dans toute tentative ultérieure du même genre que cet artiste pourra entreprendre. Avec le temps et l’étude, on apprend à composer, à dessiner, à tempérer une fougue trop juvénile ; mais ce qui ne se démontre ni ne s’acquiert, c’est le don de concevoir noblement un sujet, c’est la distinction native qui peut s’allier au faire le plus maladroit. Or c’est là ce qui a manqué complètement à M. Muller.

Le sujet est la fameuse scène de somnambulisme qui ouvre le cinquième acte de Macbeth et dans laquelle Sharkspeare produit avec très peu de moyens un prodigieux effet de terreur. Cette sobriété du texte sous laquelle meut une si grande puissance indiquait à M. Muller la marche qu’il avait à suivre, et sa composition était toute faite, s’il se fût laissé guider pas à pas par le poète. Il lui suffisait de lire et de traduire, mais M. Muller est apparemment de ceux qui ont des yeux pour ne pas voir.


« Sur ma vie, dit la suivante, elle est profondément endormie. Observez-la bouger et restez immobile. (Tous deux restent sans bouger et l’observent)

LE MÉDECIN.

Que fait-elle donc là ? Voyez comme elle se frotte les mains.