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M. Clesinger. Au reste, puisque nous sommes en train de comparaisons avec cet artiste, il faut reconnaître que M. Pradier, cette fois, est au-dessous de M. Clesinger et au-dessous de lui-même dans l’exécution de sa statue. On ne retrouve vraiment plus ici cette perfection exquise de ciseau qui ferait de M. Pradier le plus grand des sculpteurs, s’il la mettait jamais au service d’une noble pensée. Il semble que M. Pradier, en abaissant davantage ses conceptions, soit condamné à perdre une partie de ses moyens. Le corps de sa Flore, outre qu’il manque tout-à-fait de distinction, est assez négligé dans quelques parties. Le bras gauche est d’une maigreur exagérée, et la main qui le termine ne se rencontre que par exception dans la nature, à cette dernière période de civilisation qui commence la décadence des races. Le cou, en gorge de pigeon, est d’un aspect désagréable ; mais M. Pradier l’a fait tel avec intention : il le fallait ainsi pour son effet. Les hanches et le ventre présentent des détails trop nombreux. Enfin, la draperie par derrière retombe, en tuyaux raides, avec assez de lourdeur. Je ne parle pas des fantaisies polychrômes que M. Pradier affectionne ; il y a long-temps que le bon goût en a fait justice.

La Lesbie de M. Lévèque se tord d’une façon qui, de loin, ferait croire qu’elle est conformée comme Janus, et la Laïs de M. Mathieu Meusnier a un genre de beauté qui serait fort prisé dans les harems. Comme ce n’est qu’une ébauche en plâtre, M. Meusnier a encore le temps de la réduire à des proportions plus convenables.

Mentionnous en passant deux bustes de Ballanche et d’Ampère, par M. Bonnassieux, et un buste en marbre du M. Cavelier, où cet artiste a mis le même sentiment distingué et la même habileté d’exécution que dans sa Pénélope. M. David nous avait habitués à plus de force, et l’on ne retrouve guère son talent habituel dans le buste de Saint-Just. Le caractère mou et bellâtre de cette tête ridiculement vantée est probablement cause de l’échec de M. David.

Une femme du peuple, arrêtée devant le groupe en plâtre de M. Lechesne faisait à haute voix cette judicieuse remarque, qu’il était impossible qu’un enfant happé par un oiseau de proie ne criât pas assez fort pour éveiller sa mère endormie à côté de lui. Chacun était assez de son avis. Il est fâcheux que M. Lechesne n’ait pas consulté sur ce point la première mère venue, ou même le plus simple bon sens. Le corps de la femme couchée est bien traité dans la partie supérieure, mais les deux jambes croisées forment une intersection de lignes malheureuse. Quand à l’enfant, il se débat en conscience. M. Lechesne s’adonne plus spécialement aux animaux, qui font invasion dans la sculpture comme dans la peinture. Chiens, chats, oiseaux de proie et autres menues bêtes se sont abattues sur le salon et menacent de le transformer en une ménagerie. Il y a peu de chevaux remarquables,