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où l’on doit recevoir les dépêches. On peut transmettre ainsi trente lettres au moins par minute et faire immédiatement la lecture des mots transmis.

Personne n’ignore qu’en Angleterre la télégraphie électrique est exploitée aujourd’hui sur une échelle très étendue. Depuis 1846, une compagnie puissante s’est formée pour étendre ce genre de communication à toutes les villes importantes de l’Angleterre et de l’Ecosse. Elle a fait élever l’année dernière de vastes bâtimens à Lothbury, à proximité de la Bourse et du quartier de la Banque. Ces bâtimens forment le point de jonction où viennent aboutir les lignes télégraphiques qui rayonnent de soixante villes importantes, telles que Manchester, Liverpool, Glascow, Edimbourg, Douvres, etc. En Angleterre, le télégraphe électrique est mis, moyennant une certaine rétribution, à la disposition du public ; tout individu ayant une communication à adresser à une ville éloignée apporte au bureau du télégraphe sa dépêche écrite en lettres ordinaires ou en chiffres : un quart d’heure après, il a reçu la réponse.

En moins d’une année, de juin 1846 au 29 mai 1847, la compagnie télégraphique avait établi en Angleterre 253 stations de télégraphie électrique, avec 228 appareils à aiguille double, 61 appareils à aiguille simple, et 355 timbres ou cloches, sur une longueur de 1,200 milles. La même compagnie se propose d’établir prochainement une communication télégraphique entre l’Angleterre et la France en déposant au fond de la mer un conducteur métallique bien isolé, qui reliera notre continent à la Grande-Bretagne. Au mois de janvier 1849, des expériences ont été entreprises pour étudier ce grand problème, et elles ont obtenu le plus éclatant succès. Ces expériences ont été faites à Folkstone sous la direction de M. Valker, sous-intendant du télégraphe électrique du chemin de Douvres à Londres, à bord du bâtiment la Princesse Clémentine.

Nous arrivons à la France, où la télégraphie électrique s’est aussi installée, mais avec une timidité excessive et après de bien longs tâtonnemens. L’histoire des progrès de la nouvelle découverte en Angleterre et dans le Nouveau-Monde est, il faut en convenir, à l’histoire de cette même invention en France un préambule d’un assez fâcheux effet. À côté des brillans résultats obtenus par les Anglais et les Américains, il faut se résigner à signaler chez nous des essais tardifs, timides, embarrassés, une réussite presque contestable. À de telles comparaisons, l’amour-propre national court les risques de plus d’un triste mécompte.

Tandis qu’en Angleterre et aux États-Unis la télégraphie électrique se jouait, grace au génie de Morse et de Westheaone, de la distance et de l’espace, elle rencontrait en France une résistance obstinée. Enchaînée par ses habitudes de routine, notre administration fermait les yeux aux plus éclatans progrès. Sans la persévérance du savant qui avait eu la gloire de découvrir les phénomènes physiques sur lesquels repose le mécanisme du télégraphe électrique, il est probable que nous en serions encore à envier à nos voisins la possession de cet instrument merveilleux. C’est à l’initiative de M. Arago que nous sommes redevables de l’existence dans notre pays de quelques lignes encore peu étendues de télégraphie électrique.

Au mois de juin 1842, le gouvernement présenta à la chambre des députés une demande de crédit pour perfectionner la télégraphie aérienne il s’agissait d’expériences de télégraphie nocturne, et, si nous ne nous trompons, on se proposait d’essayer le système d’éclairage de M. le docteur Jules Guyot. M. Pouillet