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présidait la commission et qui paraît avoir eu la haute main dans la direction de ses travaux, s’arrêta à l’idée étrange et bizarre de faire exécuter par le télégraphe électrique les signaux ordinaires du télégraphe aérien. M. Foy invoquait ce motif, qu’il désirait ne rien changer au personnel de l’administration télégraphique. Comment une idée semblable a-t-elle pu être accueillie par une commission formée d’hommes instruits et familiers avec toutes les difficultés et les exigences de la télégraphie électrique ? Nous l’ignorons. Toujours est-il que le projet de M. Foy fut adopté. M. Breguet construisit deux petits télégraphes longs de quelques pouces ; on les plaça aux deux extrémités de la ligne ; on tendit deux fils métalliques aboutissant à chacune des ailes de ces télégraphes, et, après les essais préalables, le système fut définitivement installé le 9 décembre 1844. Il fonctionne aujourd’hui sur les chemins de fer, de Paris à Lille et de Paris à Rouen.

On se serait proposé de chercher le plus imparfait, de tous les systèmes de télégraphie électrique, certes l’on n’aurait pas trouvé mieux. En premier lieu, le procédé de M. Foy exige l’emploi de deux courans voltaïques, au lieu d’un seul que présentent tous les appareils employés aujourd’hui. En effet, chacune des ailes de ces petits télégraphes est mise en mouvement par un courant particulier, ce qui exige l’emploi de deux piles, et de deux conducteurs. Tout le monde voit là une complication inutile et fâcheuse. L’emploi de deux conducteurs a l’inconvénient d’accroître les dépenses ; sur une ligne étendue, cet accroissement se traduirait par une différence de près de 1 million. Toutefois l’inconvénient capital n’est pas là ; il se trouve dans les embarras forcés qu’amène la transmission du courant sur deux lignes à la fois. Les chances d’erreurs sont ainsi doublées.

Un autre inconvénient du système de M. Foy, et qui a tout autant de gravité que le précédent, c’est que le nombre des signaux est excessivement restreint. Quand on voit manœuvrer les petits télégraphes de M. Foy, on est assez naturellement porté à croire qu’ils reproduisent fidèlement tous les signaux du télégraphe de Chappe ; c’est là cependant une erreur qu’un peu d’attention fait aisément reconnaître. Les télégraphes de M. Foy ne donnent que tout juste la moitié des signaux du télégraphe aérien. Le télégraphe de Chappe se compose, nous l’avons dit, de trois pièces mobiles : le régulateur et les deux ailes. Les ailes peuvent prendre quarante-neuf positions différentes ; ces quarante-neuf combinaisons graphiques sont vues sous deux aspects différens, selon que le régulateur est vertical ou horizontal ; de là, deux fois quarante-neuf ou quatre-vingt-dix-huit signaux dans la télégraphie aérienne. Or, le télégraphe électrique de M. Foy ne possède que deux pièces mobiles, les ailes. En effet, le régulateur qui n’existe que pour la forme, est fixé dans la position horizontale, au lieu d’être mobile autour de son centre, comme dans le télégraphe Chappe. Ce régulateur ne peut donc pas servir, comme celui du télégraphe aérien, à doubler par ses deux positions le nombre des combinaisons qui résultent de la situation des ailes. Le télégraphe électrique de M. Foy reproduit très bien les quarante-neuf signaux du télégraphe aérien dans lesquels le régulateur est horizontal, mais il ne peut reproduire un seul des quarante-neuf autres signaux dans lesquels le régulateur est vertical.