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mains. C’est sur ce point que les négociations sont engagées en ce moment, et c’est sur ce point que le ministre des affaires étrangères a demandé à se taire ; mais il a déclaré en même temps que, quelque chose qui arrivât, la France ne pouvait pas laisser aboutir son expédition d’Italie à une restauration aveugle et implacable.

Il y a là plus qu’un discours, il y a un acte, et c’est ainsi que, dans un gouvernement parlementaire, doit agir par la parole un ministre des affaires étrangères. Il ne peut pas toujours éviter une discussion inopportune ; mais alors, changeant pour ainsi dire le mal en remède, il se sert de la tribune pour influer sur les négociations qui sont engagées ; il donne à ses paroles l’autorité de l’assentiment public.

Quant à nous, ce qui nous a encouragés dans le goût que nous avons toujours eu pour l’expédition romaine, c’est que nous voyions que cette expédition était conforme à tous les précédens de la politique française en Italie, à ceux de 1832 comme à ceux de 1847, aux idées de M. Périer comme à celles de M. Guizot ; et ce qui nous confirme aussi dans l’opinion que la France doit, à Rome, appuyer la cause des institutions libérales, après avoir renversé la démagogie, c’est que cet appui est conforme aussi à toute la politique française en Italie à celle de 1832 comme à celle de 1847. « La présence de nos soldats en Italie, disait M. Périer le 7 mars 1831, aura pour effet, nous n’en pouvons douter, de contribuer à garantir de toute collision une partie de l’Europe, en affermissant le saint-siège, en procurant aux populations italiennes des avantages réels et certains, et en mettant un terme à des interventions périodiques, fatigantes pour les puissances qui les exercent, et qui pourraient être un sujet continuel d’inquiétudes pour le repos de l’Europe. » En 1839, après l’évacuation d’Ancône, M. Guizot regrettait que les soldats français ne fussent plus en Italie pour soutenir et pour contenir le libéralisme italien, et il le regrettait d’autant plus vivement, que c’était M. Molé qui avait ordonné l’évacuation d’Ancône. « Savez-vous, disait-il le 14 janvier 1839, quel était le résultat de la présence de nos soldats ? C’est que dans toute l’Italie les esprits sensés, éclairés, les bons esprits, avaient une satisfaction et une espérance ; les mauvais esprits, les esprits désordonnés, se sentaient contenus, contenus non pas par une force absolument ennemie, mais par la même force qui donnait satisfaction et espérance aux bons esprits. »Nous nous hâtons de dire qu’en 1847 M. Guizot, président du conseil, s’exprimait de la même manière. Voici ce que nous trouvons dans une lettre à M. Rossi, lettre que M. Guizot lut lui-même à la chambre des pairs le 12 janvier 1848. Ces lignes semblent écrites pour la situation d’aujourd’hui. «  Nous voulons soutenir et seconder le pape dans l’accomplissement des réformes qu’il a entreprises. Quels sont les obstacles, les dangers qu’il rencontre ? Le danger stationnaire et le danger révolutionnaire. Il y a chez lui et en Europe des gens qui veulent qu’il ne fasse rien, qu’il laisse toutes choses absolument comme elles sont. Il y a, chez lui et en Europe, des gens qui veulent qu’il bouleverse tout, qu’il remette toutes choses en question, au risque de se mettre en question lui-même, comme le souhaitent au fond ceux qui le poussent dans ce sens. Nous voulons, nous, aider le pape à se défendre, et, au besoin, le défendre nous-mêmes de ce double danger… Si la folie du parti stationnaire ou celle du parti révolutionnaire, ou toutes les deux ensemble,