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système qu’avait adopté le pape Pie IX en établissant la consulte. Le pape Grégoire XVI se refusa obstinément à l’introduction d’une consulte centrale, et bientôt même il laissa tomber les institutions communales et provinciales. Nous ne souhaitons pas à Pie IX ce triste moyen de salut. Revenir purement et simplement au gouvernement pontifical, abolir les précédens de 1831, et bien plus, abolir les précédens de son propre règne, est-ce là ce que veut, est-là ce peut Pie IX ?

Pourquoi avons-nous insisté, comme nous venons de le faire, sur les édits de 1831, sur le libéralisme du memorandum du 21 mai, sur le rôle qu’eut la France à cette époque, sur le rôle qu’elle avait en 1847 ? On le comprend aisément. Nous ne nous défions pas des bonnes intentions du pape ; mais nous nous défions de ceux qui chez lui et en Europe, comme le disait M. Guizot le 27 septembre 1847, veulent qu’il rétablisse toutes choses absolument comme elles étaient ; nous nous défions du parti stationnaire, devenu le parti rétrograde. Nous voyons qu’à Rome et à Bologne on veut cette sécularisation relative qui est la voie de salut, et nous voyons au contraire qu’à Gaëte et à Rome il y a des gens qui veulent la cléricature absolue. La déclaration des cardinaux que le pape a envoyés à Rome ne nous rassure pas comme libéraux, et ne nous satisfait pas beaucoup comme Français. On parle en général des armées catholiques qui ont rendu au pape ses états. Ainsi l’éloge et la reconnaissance se partagent entre les Autrichiens, les Napolitains, les Espagnols et nous ; franchement, nous pensions avoir droit à une mention spéciale.

Rien, pas même un peu d’hésitation dans la reconnaissance, ne nous fera regretter l’expédition de Rome. L’honneur et l’intérêt politique nous y obligeaient ; mais en face des difficultés que nous entrevoyons dans l’appui que nous devons donner à la cause libérale, nous aimons à répéter la déclaration de M. de Tocqueville : la France ne peut pas laisser aboutir son expédition à une restauration aveugle et implacable.

Nous réunissons volontiers dans notre pensée Rome et Turin : Rome, où nous espérons que la liberté laïque pourra s’honorer par le respect qu’elle doit au souverain ecclésiastique ; Turin, où l’Italie peut encore avoir une tribune, si cette tribune sait à la fois être ferme et modérée. Le Piémont a passé par de cruelles épreuves cette année ; mais il n’y en a pas de plus décisive pour l’avenir de son gouvernement que celle où il entre en ce moment. Le parlement est assemblé, parlement dans lequel l’opposition, dit-on, a la majorité. Que veut donc cette opposition ? Elle a déjà, avec de folles déclamations de liberté et de patriotisme, poussé à sa perte le plus généreux des rois et mis le pays à deux doigts de sa ruine. Veut-elle continuer la gageure ? L’opposition piémontaise croit-elle par hasard savoir pas été vaincue à Novarre ? C’est elle qui y a été le plus vaincue, car c’est elle qui a voulu une guerre impossible, une guerre qui chez les uns était l’effet obstiné d’un rêve patriotique, et qui chez les autres était une intrigue démagogique. On voulait arriver à la république à laide de la guerre. Rêves et intrigues, tout a échoué. La royauté seule a sauvé le pays, Charles-Albert par sa généreuse abdication, et le roi Victor-Emmanuel par sa fermeté intelligente. Il n’a pas désespéré de son pays ; il n’a pas non plus, malgré les suggestions du parti rétrograde, cherché son salut dans la résurrection du despotisme. Il ne s’est pas fait Autrichien pour rester roi ; il est resté