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Piémontais, il est resté libéral et vrai fils de Charles-Albert. Il a convoqué un nouveau parlement, et il franchement averti le pays de la gravité de la situation. « Nos libres institutions disait-il dans sa proclamation du 4 juillet, ont des ennemis de plus d’un genre et peuvent périr de plus d’une manière ; mais quelle que soit la grandeur des périls, elles peuvent trouver une défense énergique et sûre dans la volonté et dans le bon sens du pays. Le pays a déjà témoigné de ces deux qualités dans le passé ; il devra en témoigner encore dans l’avenir. Une volonté ferme et un grand sens pratique sont le caractère du peuple piémontais : l’occasion est venue d’en faire usage. » Ainsi, la question est posée nettement par le roi, et de même que Charles-Albert a voulu faire l’expérience de la guerre, le roi Victor-Emmanuel veut faire aussi l’expérience de la liberté. La guerre, on sait comme la démagogie l’a faite ; la liberté, on verra dans le nouveau parlement comment l’opposition l’entend.

La liberté en Piémont n’a pas d’adversaires sur le trône ou dans le ministère ; les adversaires de la liberté, du Piémont sont le Milan ou plutôt à Novarre. Est-ce là que l’opposition veut de nouveau les aller chercher ? Si elle y va, elle ramènera Radetzky à Turin, et alors ce ne sera plus une contribution de guerre que Radetzky exigera. Ce sera l’abolition de la constitution : il ôtera au Piémont sa liberté et son argent ; il le laissera esclave et pauvre. Les démagogues sont d’étranges gens : ils aiment mieux leurs ennemis mortels que leurs adversaires modérés ; ils aiment mieux avoir à Turin Radetzky que M. d’Azeglio.

Sont-ce les conseils désespérés de ces brouillons de la liberté et du patriotisme que suivra le parlement piémontais ? Nous espérons que non. Il entendra la voix de son roi. « Un peuple fort, disait le roi dans son discours d’ouverture, se mûrit à l’école de l’adversité. Ses efforts pour sortir d’une position difficile lui enseignent à distinguer la réalité des illusions, lui apprennent la plus rare comme la plus difficile des vertus publiques, la persévérance. » Puis, parlant du traité avec l’Autriche, sur lequel le parlement aura à délibérer : « Je vous invite, messieurs, dit le roi, à apporter dans cette délibération la sagesse pratique qui est imposée par l’état présent de l’Italie et de l’Europe. Quand on s’est décidé à courir les chances de la fortune, il est honorable de savoir se soumettre avec courage à ses arrêts. » Nous suivrons avec intérêt les délibérations du parlement sur ce grave sujet, heureux, si le parlement piémontais répond aux vœux de son roi, de trouver en Europe et à notre porte un noble et rare spectacle, celui d’un vrai roi et d’un vrai peuple s’unissant pour sauver leur patrie.

À Berlin, un parlement s’ouvre aussi où la démagogie n’a plus de place, mais où le libéralisme allemand saura se faire entendre. En Allemagne aussi, le libéralisme a à réparer les fautes de la démagogie, c’est-à-dire de son plus implacable adversaire. Tel est en effet aujourd’hui le sort du libéralisme dans toute l’Europe. Après avoir risqué de succomber sous les coups de la démagogie, il doit tâcher de relever l’édifice de la société ébranlé par tant de coupables tentatives. Rendons-nous cette justice, que nulle part cette tâche laborieuse du libéralisme ne s’accomplit avec plus de fermeté et d’intelligence qu’en France.

Une des plaies les plus graves que la démagogie nous ait faites, c’est le désordre qu’elle a mis dans nos finances, c’est le déficit qu’elle a causé et que nous avons tant de peine à remplir. L’exposé du budget fait par M. Passy et