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Voilà quels sont les actes excellens qui ont rempli les dernières séances de l’assemblée législative, aujourd’hui prorogée. Voilà comment elle a donné satisfaction aux justes réclamations de l’opinion publique. Parlerons-nous d’une discussion qui s’est élevée dans la commission de l’assistance publique, et qui a eu beaucoup plus de retentissement que nous ne l’aurions souhaité ? Dans cette commission, il est, comme dans la majorité de l’assemblée, des personnes qui ont des origines politiques diverses, mais qui n’ont qu’un seul et même but, celui de sauver la société menacée. Tout le monde dans cette commission, comme dans la majorité, est d’accord sur les causes et sur les symptômes du mal ; on diffère sur les remèdes. M. de Montalembert croit qu’un des meilleurs moyens de venir au secours du peuple, c’est de rendre à l’église ce qu’il appelle sa liberté, c’est-à-dire de permettre aux congrégations religieuses de recevoir des dons et legs sans avoir besoin, pour cela, d’aucune autorisation, et de s’en fier à la charité de l’église pour venir au secours des pauvres. Nous ne voulons pas entrer dans la discussion de ces graves questions : il est visible cependant que ce n’est pas seulement contre le socialisme, ou même contre l’article 8 du préambule de la constitution, lequel fait de l’assistance publique un des devoirs de la république, ce n’est pas, disons-nous, contre le socialisme et contre l’assistance officielle de 1848 que le système de M. de Montalembert fait réaction ; c’est contre le Code civil lui-même. Nous ne sommes donc pas étonnés des réclamations qui se sont élevées ; mais d’une différence de système à une rupture de la majorité il y a loin. L’union de la majorité et du parti modéré ne repose pas sur une vaine et impossible conformité d’opinions et de sentimens en toutes choses : elle repose sur la conviction profonde des dangers qui menacent la société, si nous laissons le socialisme se répandre et se propager. Cette union repose sur un pacte d’assurance mutuelle, et non pas sur un credo religieux. Il n’en faut donc pas altérer le caractère.

Nous ne voulons pas nous arrêter, plus long-temps sur ces débats, qui n’ont jusqu’ici ni la précision ni la réserve non plus d’un débat public : ceux qui en concluent que l’union du parti modéré va se rompre espèrent sans doute cette rupture ; mais le moment serait mal choisi pour la faire. Les journaux que l’état de siége avait mis en suspens reparaissent, aujourd’hui que l’état de siége est aboli. Qu’on les lise et qu’on se demande si, en face de pareils ennemis, il faut licencier la grande armée de l’ordre public, c’est-à-dire rompre l’union du parti modéré.


— L’Espagne prépare en ce moment un acte de vigueur rendu nécessaire par les attaques quotidiennes dont la place de Melilla est l’objet de la part des Maures du Riff.

Le Riff est un territoire fort étendu qui longe la Méditerranée en face des côtes espagnoles de Malaga et d’Almeria, et qui n’est soumis que nominalement à l’empereur de Maroc. Celui-ci n’y exerce son action qu’une fois l’an pour le prélèvement de l’impôt. À part cette redevance annuelle, qu’elles éludent même quelquefois, soit par la résistance, soit par la fuite, les populations à demi sauvages du Riff vivent dans une indépendance à peu près absolue. La religion même n’est ici qu’une sorte de méthodisme musulman qui n’admet ni hiérarchie ni règles, et ne crée aucune corrélation directe entre ces populations et le pouvoir central. Cependant un dernier lieu les unit : c’est une tacite complicité