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l’angle de l’Ayuntamiento ; tandis que quelques femmes, avec la sensibilité délicate qui est propre aux Mexicaines, entouraient la jeune china, mais sans pouvoir la décider à s’éloigner. Bientôt, résistant à toutes les instances, je la vis marcher vers la prison, s’asseoir au pied de la sombre muraille, et là rester immobile, le visage voilé de son rebozo. L’amateur de taureaux s’était perdu dans la foule, et le moment était venu enfin, de consulter l’évangéliste ; je frappai légèrement sur l’épaule du vieillard.

— Pouvez-vous, lui dis-je, m’apprendre où demeure le licencié don Tadeo. Cristobal ?

— Don Tadeo Cristobal, dites-vous ? mais il était ici, à l’instant même.

— Ici ! don Tadeo !

— N’avez-vous pas vu avec quelle obligeance il s’est chargé de faire parvenir au bandit Pepito Rechifla le message que m’avait dicté une des plus jolies chinas de Mexico ?

— Quoi ! l’homme au sombrero et au manteau rouge serait don Tadeo le licencié !

— Lui-même.

— Et où le retrouverai-je maintenant ?

— Je ne sais trop, car il n’a, à proprement parler, pas de domicile : il demeure un peu partout. Si cependant vous avez à lui parler pour affaire urgente, allez ce soir même, entre neuf heures et minuit, au Callejon del Arco (impasse de l’Arcade), vous êtes sûr de le rencontrer dans la dernière maison à droite en venant de la place.

Je remerciai l’écrivain, et, après lui avoir laissé quelques réaux pour témoignage de ma reconnaissance, je me dirigeai vers le Callejon del Arco. Bien qu’il ne fût encore que sept heures du soir à peine, je tenais à reconnaître, avant la nuit, la maison où je comptais me rendre deux heures plus tard. L’expérience m’avait démontré que de semblables précautions ne sont pas inutiles à Mexico, et l’impasse de l’Arcade m’avait été signalée comme une des plus sinistres ruelles de la capitale du Mexique.

L’aspect de cette impasse ne justifiait que trop, ainsi que je pus m’en convaincre, la réputation qu’on lui avait faite. Le pâté de maisons dont font partie les Arcades des Marchands, et qui est connu sous le nom d’Impedradillo, ne forme pas une cuadra compacte. En face, du côté de la cathédrale qui regarde le sud-ouest, s’ouvre et s’enfonce dans l’Impedradillo une étroite ruelle : c’est le Callejon de l’Arco. On dirait une de ces cavernes que creuse parfois l’océan dans le flanc perpendiculaire des falaises. Quand, encore aveuglé des flots de soleil dont la place est inondée, et qui se brisent en gerbes éblouissantes contre les murs blancs des maisons ou le granit des trottoirs, on pénètre dans cette ruelle tortueuse et obscure, l’œil, d’abord ébloui, ne distingue