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une réalité : pour maintenir chaque année le million sterling si solennellement affecté par lui au remboursement de la dette, Pitt avait été forcé de créer en cinq ans 5 millions sterling de ressources extraordinaires, indépendamment de l’indemnité des loyalistes américains et des autres dettes arriérées qui avaient été soldées à part ; mais, cette dernière liquidation terminée, il allait se trouver en présence d’un budget décidément en équilibre, amortissement compris. L’Angleterre s’était montrée patiente et confiante autant qu’il avait été lui-même résolu et infatigable, et tous les deux, pays et ministre, allaient recueillir les fruits de cette sage conduite.


V.

En ouvrant, le 31 janvier, la session de 1792, le roi annonça que, l’état général des affaires sur le continent promettant que la paix ne serait plus troublée, il y avait lieu de réduire les dépenses de l’armée de terre et de mer, ce qui permettrait de supprimer une partie des taxes existantes et d’ajouter une nouvelle somme au fonds d’amortissement. C’était proclamer le succès définitif et complet du système de Pitt ; le résultat poursuivi depuis huit ans avec une si admirable persévérance était enfin atteint. Il prit lui-même la parole quelques jours après pour présenter, selon son habitude, l’exposé général de la situation financière. Jamais il ne s’était plus justement complu dans cet immense inventaire qu’il excellait à tracer des ressources et des besoins de l’Angleterre. Le revenu public dépassait incontestablement désormais 16 millions sterling ou 400 millions de francs, et, sous ce premier rapport, les évaluations du comité de 1786, dont le succès tenait tant au cœur de Pitt, étaient plus que justifiées. Il devait en être de même, ou à peu près, quant à la dépense. Les dépenses militaires, portées provisoirement par les circonstances, dans les années qui avaient suivi 1786, au-delà des prévisions du comité, devaient être désormais réduites de manière à rentrer dans ses chiffres. Avec cette obstination particulière à son pays et qui était un des traits dominans de son propre caractère, Pitt avait voulu réaliser en quelque sorte à la lettre le plan du comité ; le chiffre qu’il présentait en 1792 pour les dépenses de ce qu’on appelait l’établissement de paix ne dépassait que de 350,000 liv. sterling celui que le comité avait fixé en 1786.

Ainsi, en huit ans, le revenu public de l’Angleterre avait été porté de 12 millions et demi sterling à plus de 16 millions et demi, ou de 312 millions de francs à 418 ; toutes les dettes de la guerre d’Amérique avaient été liquidées, les loyalistes américains indemnisés ; pour la première fois depuis bien des années, les recettes ordinaires de l’état suffisaient à ses dépenses ordinaires et laissaient encore un excédant ap-