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la restauration, la faveur populaire avait rebondi alternativement des tories aux whigs, des whigs aux tories. Dans le premier élan qui accueillit la restauration, les électeurs n’envoyèrent à la chambre des communes que des cavaliers ; mais après l’enthousiasme vint la prostration. Les cavaliers usèrent d’abord de leur victoire avec une violence contre les presbytériens qui amena une réaction en sens contraire ; puis, les cavaliers, n’obtenant pas les indemnités et les faveurs qu’ils avaient espérées de la restauration, crièrent à l’ingratitude de Charles II ; une crise agricole diminua les revenus de la gentry, et les bons gentilshommes campagnards, la main sur leurs bourses vides, ne purent voir sans indignation les somptueuses profusions d’une cour débauchée. Charles II subissait l’ascendant de Louis XIV, il vendit Dunkerque à la France, il fit la guerre à la Hollande, état protestant et allié naturel de l’Angleterre, et la fibre nationale fut froissée chez les tories comme chez les whigs. Epuisé par les besoins de la guerre de Hollande, l’échiquier fit banqueroute aux orfèvres de Londres qui lui avaient prêté quinze cent mille livres, et le commerce volé poussa des imprécations contre le ministère fameux de la cabale. Tandis que les mécontentemens s’étendaient ainsi, le roi prononça une déclaration dite d’indulgence qui affranchissait les catholiques des cruelles pénalités portées contre eux sous Élisabeth : cet édit intempestif réveilla et déchaîna contre les pauvres catholiques les plus haineux préjugés du peuple anglais ; le roi fut obligé de retirer son édit devant la chambre des communes, et le parlement vota l’acte du test qui chassait les catholiques des fonctions publiques et dépouillait de ses charges le duc d’York lui-même, frère du roi, héritier présomptif de la couronne. À ce moment, la roue avait tourné, les whigs triomphaient. L’infernale calomnie de Titus Oates, la prétendue conspiration papiste, attisa la fureur populaire. Deux élections générales eurent lieu en 1679, deux fois le pays envoya une majorité whig. Le que d’York fut obligé d’aller en Hollande pour fuir l’orage ; mais les whigs outrèrent leur victoire. Ils firent adopter par la chambre des communes un bill qui excluait le duc d’York, comme catholique, de la succession au trône ; alors le reflux de l’opinion commença contre eux. Déjà le sentiment public était revenu de sa frénétique exaspération contre les catholiques ; lorsque sur l’échafaud le comte de Stafford, dernière victime de l’infâme Oates, protesta de son innocence, la foule, qui avait accablé d’outrages les autres martyrs, émue alors et comme repentante, lui cria « Dieu vous bénisse, mylord ! nous vous croyons. ». Quand les whigs touchèrent à la légitimité, au principe vital de la monarchie héréditaire, le clergé et les tories se sentirent blessés dans leur antique loyauté ; les malheurs de la première révolution s’offrirent alors à la mémoire de ceux qui, en s’élevant contre les fautes de Charles II, n’avaient été