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de se retirer à Milianah, où le père de Jemna avait quelques propriétés.

Ali-Pacha fut assassiné quelques mois après, et Hadj-Mohamed lui succéda. Ce fut le premier pacha qui vint demeurer à la Casbah, bravant l’inscription mystérieuse où l’on annonçait l’arrivée des chrétiens sous un pacha dont la Casbah serait la résidence. Hassan-Pacha, ancien iman d’Omar, remplaça l’Hadj-Mohamed, mort de la peste. À peine élu, il montra que son cœur n’était pas ingrat. Jemna reçut des cadeaux magnifiques, et l’ordre fut donné au bey d’Oran de payer un tribut et de faire des cadeaux à la veuve d’Omar toutes les fois qu’il viendrait pour la dennech[1] à Alger. Ses faveurs ne se bornèrent pas là : il attacha Mohamed, le fils aîné d’Omar, à sa personne, et, comme le second fils était trop jeune, il le garda d’abord dans son palais, puis l’envoya à Metelin et en Égypte voir ses oncles et Méhémet-Ali, qui le demandaient. Au bout de deux ans, il revenait comblé des présens de Méhémet-Ali. Hassan lui faisait épouser la fille de l’un des marabouts les plus vénérés de Milianah. La famille des Omar jouissait alors des prérogatives des grands fonctionnaires, sans courir leurs dangers. Le bonheur était redescendu parmi eux, et Jemna s’oubliait dans la joie au milieu de ses enfans, lorsque l’année 1830 arriva, amenant avec elle la chute du pouvoir turc et la réaction de toutes les tribus depuis si long-temps courbées sous le joug. Grace à ses alliances avec des marabouts vénérés, la famille d’Omar fut momentanément respectée ; mais son chef Mohamed, qui s’était rendu coupable de plus d’un acte arbitraire, fut obligé de fuir, laissant à Milianah sa mère, ses deux femmes, son frère Omar, âgé de quatorze ans. Le vieux Baba-Djelloull et les Ouled-Si-Ahmed-ben-Yousef les protégeaient.

Pendant les six premières années de l’occupation française, le jeune Omar, fils d’Omar-Pacha, avait grandi au milieu des combats qui se livraient journellement entre les habitans des villes et les Arabes des tribus. L’anarchie la plus complète avait succédé au régime sévère des Turcs : le fort mangeait le faible, les communications étaient interrompues, la guerre civile régnait dans toute l’Algérie. Le courage et les richesses d’Omar lui avaient fait beaucoup de partisans ; il était encore au premier rang en 1836. Vers cette année s’amoncela l’orage qui devait bientôt éclater sur cette malheureuse famille.

Mohamed-ben-Omar, retiré chez les Français, avait toujours refusé tout commandement, dans la crainte de compromettre sa famille ; mais en 1836, lorsque M. le maréchal Clausel lui proposa de l’accompagner à Milianah, il accepta. Les circonstances changèrent, et M. le maréchal se rendit à Médéah, où il installa un bey turc. Peu après, l’émir El-

  1. Action d’apporter l’impôt.