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tinrent enfin la liberté d’Omar et de sa mère, à la condition toutefois qu’il serait procédé à la vente de tous leurs biens. Qu’importait à Jemna ? elle revoyait son fils, et sa vue semblait lui faire oublier toutes ses infortunes. Son temps d’épreuve, hélas ! n’était pas encore fini. Nègres, négresses, chevaux, mulets, meubles, vêtemens, tout fut vendu selon l’ordre de l’émir, et les femmes du fils aîné d’Omar, Mohamed, furent mariées de force à des serviteurs du khalifat Embarek. Réduite au dernier dénûment, la veuve d’Omar fut obligée d’aller demander asile à son fidèle serviteur, au vieux Baba-Djelloull, qui mourut peu de jours après ces nouveaux malheurs. Retiré près de sa mère, Omar venait de se guérir d’une maladie affreuse contractée dans son cachot, quand une dernière disgrace vint les accabler. Au mois de juin 1838, par ordre de l’émir, tous les Coulouglis durent quitter Milianah et se rendre à Tagdempt. En vain les chefs des Hachems du Chéliff et ceux du Djendel demandèrent grace pour Omar et sa mère, offrant une caution de 10,000 houdjoux. Cette démarche, loin de leur servir, leur fut nuisible. Il fallut partir. Le triste convoi d’exilés quitta Milianah sous l’escorte des cavaliers d’Abd-el-Kader. Tous les visages étaient empreints d’une tristesse mortelle, mais calmes et résignés. Les gens des premières familles marchaient couverts de haillons, sans pousser une plainte ; l’on n’entendait que les cris des petits enfans que l’ardeur du soleil accablait. Plus l’infortune était grande, plus le courage de Jemna s’élevait. Soutenant de son grand cœur ses compagnons de malheur, encourageant son fils, on retrouvait toujours en elle la veuve d’Omar-Pacha. Sans se laisser abattre, calme et résignée, elle supportait le poids de la douleur, repoussant toujours avec mépris les propositions de mariage qui lui étaient faites par des chefs de l’émir. À la destruction de Tagdempt, Omar obtint la permission de se retirer avec sa mère dans les Beni-Menacers. Il lui fut enjoint toutefois de servir comme cavalier régulier près du khalifat de Milianah : il accepta ; mais l’émir, qui voyait sa puissance décroître, était forcé de se retirer devant nos armes, et Omar put enfin, après des fortunes si diverses, rentrer à Milianah. Il trouva un bienveillant accueil parmi les Français. Sa maison lui fut rendue ainsi que quelques biens, et peu de temps après, sur la demande du commandant supérieur, il était nommé hakem[1].

Telle est la singulière histoire des Omars. Lors de son passage à Milianah, le maréchal Bugeaud, à qui l’on avait raconté cette histoire, voulut voir la mère d’Omar et lui donner un témoignage public d’estime. Nous l’accompagnâmes dans la visite qu’il lui rendit avec tout son état-major. Le maréchal fut reçu dans un modeste appartement, qui n’avait gardé nulle trace des magnificences d’autrefois. Dès qu’il

  1. Maire arabe.