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Le Marquis, en s’en allant.

Oh ! c’est tout bonnement un exercice oratoire. Demain, si vous voulez, je plaiderai le contraire. Bonne nuit.

(Il sort.)



Scène III.

LA MARQUISE, seule.
(Elle dépose son ouvrage, se lève, et se promène en parlant.)

Ceci est de l’effronterie, ou je ne m’y connais pas ! J’ai vu l’instant où il allait tenter de me convaincre que je lui devais de la reconnaissance… Il faut que ce soit une tentation bien forte que de parler de ce qui nous occupe l’esprit, pour qu’un homme qui va voir sa maîtresse ne puisse s’empêcher d’en parler à sa femme !… C’est un fort méchant homme, celui-là… vicieux par principes, par raison démonstrative… Ce qu’il y a d’abominable, c’est qu’assurément il s’en va la conscience plus tranquille après ce demi-aveu et cette sournoise apologie ! Il ne songeait même pas à moi, à mes appréhensions, à ma jalousie, en soutenant sa thèse ridicule ; il n’y cherchait qu’une satisfaction pour lui-même et une sorte d’encouragement (Après un silence.) Cette créature, avec ses deux grands yeux qui lui mangent tout le visage, est bête comme une tulipe. Allons, je leur souhaite beaucoup de joie… Cela est simplement méprisable. (Elle se rassied, pose ses pieds sur le garde-cendres et croise ses bras.) Il serait trop plaisant qu’une honnête femme se mît à pleurer à propos de Mme de Rioja !… C’est triste pourtant, bien triste, vrai !… Je donnerais un de mes bras, dans ce moment, pour avoir un petit enfant, gros comme rien, à embrasser.

(Elle s’essuie les yeux. Entre Louison.)



Scène IV.

LA MARQUISE, LOUISON.


La Marquise.

Qu’y a-t-il encore ?

Louison.

Un monsieur vient d’apporter cette lettre pour madame.

La Marquise.

Comment ! un monsieur ? Un monsieur qui fait des commissions, vous voulez dire ?

Louison.

Non, madame, c’est un monsieur.

La Marquise.

Un monsieur vieux ?

Louison.

Oh non ! madame.

La Marquise.

Enfin, qu’est-ce qu’il veut ?