Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 3.djvu/909

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la réserve, celle du pays excluait la timidité. Un ministre des finances renommé pour sa prudence, M. Humann, le comprit à merveille. En même temps qu’il reprenait, pour éteindre les découverts du trésor, les réserves de l’amortissement, il affecta aux grands travaux publics un emprunt de 450 millions[1]. Il attachait autant de prix, que personne à maintenir l’équilibre dans les budgets et l’abondance dans le trésor ; mais en possession d’un crédit qui allégeait les charges d’un emprunt, et de recettes croissantes qui en assuraient le service, il n’eût pas admis la pensée, d’abandonner ou même de ralentir ces grandes entreprises qui secondaient si puissamment l’essor d’une prospérité qui commençait à en payer le prix. Quelque prédilection qu’on accordât aux travaux utiles, le gouvernement et les chambres furent obligés de pourvoir aux travaux purement nécessaires. La crise européenne de 1840 avait donné des avertissemens qui ne pouvaient être perdus : il ne suffisait pas de féconder le territoire, il fallait aussi le protéger, et les fortifications de Paris devinrent le rempart de la France[2].

Jusqu’alors, la construction des chemins de fer n’avait eu qu’une faible part dans les travaux extraordinaires. L’exécution du vaste réseau proposé aux chambres en 1838 avait paru dépasser les forces de l’état ; l’industrie privée avait fléchi sous ses premières tentatives. Des questions de système avaient rempli sans fruit toutes les discussions. Tous les systèmes furent essayés en 1840. Le gouvernement fit quelques concessions à des compagnies, il en encouragea d’autres par des prêts, il exécuta quelques lignes à ses frais. Ces premiers essais honorent l’administration de M. le comte Jaubert, et ils ont porté plus tard les plus heureux fruits. Toutefois l’unité manquait encore à ces essais. Le réseau des chemins de fer de France n’était pas même trace par une loi.

Ce ne fut qu’en 1842 que le gouvernement aborda cette grande et difficile entreprise. Il n’était plus permis d’hésiter. L’activité de l’Europe devenait un danger et presque une honte pour l’irrésolution de la France. Une loi, souvent citée dans l’histoire de nos travaux publics[3], arrêta les grandes lignes qui devaient partir de Paris comme centre, et rayonner vers toutes nos frontières., Les frais d’établissement furent partagés entre l’industrie et l’état ; l’exploitation fut réservée à l’industrie. Ce système ne demandait pas assez à l’industrie ; mais,

  1. Loi du 25 juin 1841.
  2. Travaux autorisés par la loi du 25 Juin 1841 :
    Travaux civils 220,769,000 fr.
    Travaux militaires 225,052,000
    Travaux maritimes 51,000,000
    496,821,000 fr.
  3. Loi du 11 juin 1842.