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s’annonça ce grand mouvement du slavisme auquel la Pologne s’attacha comme à la formule féconde qui contenait sa régénération, les Allemands, inquiets, irrités, déprécièrent de leur mieux cette doctrine, la naissance de la civilisation slave. L’Allemagne ne pouvait voir avec joie l’avènement d’une race nouvelle sur le théâtre même de cet Orient, où son ambition lui montrait le plus vaste champ ouvert au génie de ses hommes d’état et aux évolutions de sa pensée. Quelquefois, d’ailleurs, les Slaves se faisaient à cet égard puérilement provocateurs. La vieille injure du Slave à l’Allemand, le mot de nemet (muet, lourdaud), fut répétée plus haut que jamais. Kollar prêcha ouvertement la haine de l’Allemand jaloux et perfide. Bien que les Polonais, représentés en Allemagne par des écrivains éminens, n’aient point tous suivi les slavistes exagérés dans leurs batailles littéraires, ces batailles ont entretenu dans leur vivacité les ressentimens du Germain et des enfans de la Pologne associés aux vœux du slavisme.

On voit quel enchaînement de fatalités historiques et de préjugés dominait les rapports de la Pologne avec l’Allemagne avant les révolutions de mars. Si le changement d’opinion qui s’accomplit alors dans toute l’Allemagne en faveur des Polonais eût été durable, le résultat était immense. Il remplaçait ces animosités séculaires par une alliance qui eût été funeste à la Russie. La Pologne crut à l’origine qu’elle pouvait dès ce moment compter sur l’amitié de l’Allemagne. C’est la pensée avec laquelle les émigrés se précipitèrent de tous les points de l’Europe sur le territoire de Posen et de la Gallicie. Leur hâte était déjà un péril par la défiance qu’elle excitait. La sympathie de l’Allemagne était venue trop soudainement pour qu’il n’importât point d’en user avec discrétion. Il ne fallait à aucun prix la mettre à de trop rudes épreuves.

Le germanisme a deux faces très distinctes ; il s’offre sous ces deux faces à la Pologne, par la Poznanie d’un côté, par la Gallicie de l’autre.

L’une de ces faces est jeune, ardente, impétueuse ; l’autre a déjà vieilli et porte toutes les traces des années. La Prusse représente le côté juvénile et entreprenant, l’Autriche le côté traditionnel. C’est avec l’Autriche que la Pologne est principalement en lutte ; l’Autriche est le théâtre où se pose le plus largement la question des nationalités ; et par la Gallicie, la Pologne est appelée à jouer un rôle très influent parmi les populations slaves et hongroises de l’empire des Habsbourg. Pour combattre le germanisme en Autriche, les Polonais ont des alliés chez tous ces peuples. En Prusse, les Polonais se trouvent seuls en présence de l’Allemagne entière. Si, en effet, l’Autriche est un peu abandonnée à elle-même par les intrépides champions du germanisme, la Prusse, au contraire, concentre autant qu’elle l’ose toutes leurs forces ; elle dispose, dans beaucoup de cas, de tout le patriotisme allemand.

Le germanisme de l’Autriche est tout entier basé sur le principe de