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la conquête. L’Autriche, en effet, n’est que l’assemblage plus ou moins cohérent de peuples divers conquis l’un après l’autre. Bien que la Prusse soit fondée sur un principe de nationalité et qu’elle ait placé sa principale ambition dans le perfectionnement de la nationalité germanique, elle n’est point pour cela aussi hostile qu’on serait tenté de le penser à l’idée de conquête. L’Allemagne nouvelle, dont la Prusse est l’image, tient encore par là au vieux monde. Aussi qu’arrive-t-il C’est que, tout en essayant d’opérer sur elle-même un mouvement concentrique qui resserre entre eux tous ses membres, la Prusse se préoccupe peu au fond des nationalités étrangères, et ne se ferait aucun scrupule de s’étendre à leurs dépens. Lorsque l’on a ce penchant à conquérir, comment donc aurait-on la générosité de laisser échapper des conquêtes accomplis ? Voilà ce qui devait gâter le libéralisme de la Prusse dans ses rapports avec la Pologne, et peut-être les Polonais auraient-ils dû prévoir ces susceptibilités du germanisme libéral.

Il eût été surtout bien désirable que la Pologne entière fût d’accord sur la politique qui lui convenait au milieu de tant de complications ; mais l’entente de tous les esprits pour une même ligne de conduite, c’était toujours là le problème que la Pologne cherchait sans succès à résoudre, même après tant d’événemens de nature à effacer les vieilles haines. Il y avait lieu de se défier de ces hommes qui, éloignés depuis dix-huit ans de la Pologne et façonnés à toutes les habitudes des sociétés occidentales, voulaient d’abord bouleverser leur patrie pour la régénérer. L’insurrection de Cracovie, cette funeste puérilité des démagogues de l’émigration, avait montré récemment leur savoir-faire. Avant de se produire sur le sol du pays, une nouvelle lutte d’influence commença, dans l’exil, entre les démagogues et les conservateurs. Un sentiment vrai s’était emparé le beaucoup d’esprits à la vue de la révolution qui changeait si profondément les bases de la société française ; ils avaient pensé que tous les anciens partis devaient modifier leurs idées et leur tactique, se rajeunir en s’unissant. L’idée de nationalité séparée de l’esprit révolutionnaire offrait aux diverses fractions de l’émigration le lien le plus honorable et le plus fort que l’on pût désirer. Point d’obstacles de la part des conservateurs. Disciplinés originairement sous le nom de Société du 3 mai, et attachés à la législation que cette glorieuse date rappelle, ils firent les premières démarches. Ils déclarèrent qu’ils laissaient désormais de côté les idées de monarchie empruntées à cette constitution fameuse de 1791. De leur aveu spontané, le pays seul désormais avait le droit de déterminer la forme de son gouvernement à venir. Pour assurer plus de liberté aux décisions de la nation elle-même, la Société du 3 mai prononça officiellement sa dissolution : elle était prête à se fondre avec toutes les opinions qui voudraient, à son exemple, constituer un parti exclusivement national ;