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mais les hommes de la Société démocratique, qui avait eu primitivement son siège à Versailles, et qui prétendait centraliser les forces démocratiques de l’émigration, ne répondirent point à ces avances. S’inspirant de l’esprit révolutionnaire qu’ils voyaient triomphant, ils prétendaient plus résolûment que jamais chercher dans la démocratie le levier de l’insurrection ; comment eussent-ils consenti à ce sacrifice de leurs prétentions personnelles à l’heure où ils croyaient tenir l’instrument de la régénération universelle ? Ils refusèrent l’union qui leur était proposée. La Société du 3 mai se dissolvait donc sans se reconstituer ; mais, en cessant d’être avec les raisons qui lui avaient donné naissance, elle annonça qu’elle remettait aux mains du prince Adam Czartoryski le soin des intérêts du pays dans ses relations extérieures. Comme président du gouvernement insurrectionnel de 1831, par les services rendus dans l’exil à la cause polonaise et l’heureux emploi qu’il avait su faire de sa considération personnelle près des gouvernemens étrangers, il était, suivant les membres de l’ancienne Société du 3 mai, le représentant naturel de la Pologne de l’exil. Le prince Czartoryski restait donc chargé de la direction de la diplomatie polonaise.

Les conservateurs autochthones n’avaient point d’objection contre le prince Czartoryski au moment où il renonçait aux idées de monarchie qui étaient celles de son parti plutôt que les siennes. S’ils acceptaient le concours des forces conservatrices de l’émigration, ils tenaient à éloigner résolûment l’action de la Société démocratique de Versailles, et à se décider en tout par les seules inspirations du pays. Placés dans des circonstances aussi graves que favorables, ils sentaient combien ils devaient mettre de soin, à ne pas les brusquer. Ils le comprirent principalement lorsqu’ils eurent vu les radicaux à l’œuvre dans la Poznanie et la Gallicie. Quelques personnages influens de la Gallicie conçurent, malheureusement un peu tard, l’idée d’un congrès dans lequel toutes les parties de la Pologne seraient appelées à arrêter un plan de conduite en laissant provisoirement les émigrés à l’écart. Le congrès se tint en Silésie, à Breslau. L’on y discuta les bases de l’entente par laquelle on espérait concerter les démarches de Posen avec celles de la Gallicie, et créer une grande ligue pareille à celles d’Irlande. Cette ligue n’eût point demandé l’indépendance ni la guerre contre la Russie, qui n’étaient point parmi les choses immédiatement possibles. Elle eût toutefois, en s’autorisant de toutes les libertés issues des révolutions allemandes, travaillé à dégager Posen et la Gallicie des étreintes trop étroites du germanisme, et à y rétablir légalement et pacifiquement des institutions nationales. Les radicaux de l’émigration sentaient bien que, si ce congrès réussissait sans eux, leur existence comme parti était gravement compromise et peut-être à tout