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d’appui commun dans les élémens révolutionnaires rassemblés à Vienne de tous les coins du monde, de l’Italie, de l’Allemagne, de la Pologne. L’extrême gauche du parlement de Francfort avait là des intelligences ; elle disposait des populations laborieuses des faubourgs. Pour les soulever, la Hongrie offrait son or, promettant d’ailleurs qu’elle serait prête à seconder par la force tout ce qui serait tenté dans les rues de Vienne. Le but des démocrates allemands était, du point de vue de leur patriotisme unitaire, parfaitement clair. En formant le projet d’une insurrection à Vienne, ils aspiraient à ruiner l’influence conservatrice des Slaves et à entraîner l’empire dans la nouvelle confédération allemande rêvée à Francfort. La Bohême, la Gallicie, l’Illyrie, par le succès de cette tentative, fussent devenues parties intégrantes du nouvel état germanique ; le slavisme eût été moissonné dès sa naissance.

Les Magyars, de leur côté, avaient leurs vues personnelles en s’alliant ainsi à la démocratie de Vienne et de Francfort. L’accord des Slaves et du gouvernement de l’Autriche et du gouvernement de l’Autriche mettait en péril la domination magyare sur les Slaves de la Hongrie. Si les Allemands voyaient avec dépit l’ascendant que le slavisme prenait dans la politique autrichienne, les Magyars pouvaient voir le même progrès avec terreur, comme le présage de cette grande catastrophe depuis long-temps redoutée, la dissolution de la Hongrie par l’émancipation des races. Dans la convention que les Magyars concluaient avec Francfort, ils lui proposaient le partage de l’Autriche. Vainqueurs, les Magyars, en laissant retourner dans le sein de l’Allemagne les états héréditaires de la maison de Habsbourg, conservaient sur le pied de l’indépendance la Hongrie avec ses annexes, c’est-à-dire la Transylvanie, la Croatie, la Slavonie et la Dalmatie. C’était le triomphe de leur ambition ; tout leur avenir était là. L’alliance du rnagyarisme et du germanisme de Francfort était donc naturelle ; M. Kossuth l’avait indiquée tout récemment dans un discours fort applaudi. « Je n’hésite pas à déclarer, avait-il dit, que la nation hongroise est, à mon avis, destinée à être, avec l’Allemagne, la sentinelle de la civilisation à l’orient de l’Europe. » Enfin, lorsque M. Kossuth avait expédié deux plénipotentiaires à Francfort au lieu de les envoyer à Prague, où on ne leur eût pas fait mauvais accueil, n’avait-il pas déclaré assez hautement qu’il cherchait dans le germanisme un allié contre les Slaves ? Pourquoi faut-il que le radicalisme soit encore une fois intervenu pour précipiter les Polonais dans une erreur plus grave que toutes celles qu’ils avaient commises depuis février ? Pourquoi faut-il que nous les retrouvions mêlés aux Allemands et aux Magyars sur les barricades de Vienne, en lutte ouverte avec le seul allié sûr que tant d’années de propagande et tant d’activité dépensée à la suite des révolutions de mars avaient préparé pour la Pologne ? Comment se fait-il qu’ail milieu, à la tête des démagogues