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sur le revenu. À l’arrêt par défaut qu’avait rendu l’assemblée constituante vient s’ajouter maintenant la protestation à peu près unanime des conseils-généraux. Ce plagiat de l’income tax ne trouvera pas plus de faveur, il faut l’espérer, devant l’assemblée législative.

L’accord spontané qui éclate ici dans toutes les fractions du parti modéré serait-il une inspiration de l’égoïsme ? On le dira, et on l’a peut-être dit ; on prétendra que les propriétaires et les capitalistes ne repoussent l’impôt du revenu que pour décliner leur part des sacrifices qu’exigent les circonstances : ce serait les calomnier avec aussi peu d’intelligence que d’équité. Ceux qui possèdent ne refusent pas 60 millions de plus à l’état ; ils les paieraient au contraire très volontiers tant que la nécessité s’en fera sentir, mais sous une tout autre forme. C’est au principe même et aux conséquences de l’impôt sur le revenu que leur opposition s’attaque. Ce n’est pas pour une économie individuelle de quelques écus, c’est dans l’intérêt même de la société, par une conviction très réfléchie et très arrêtée des dangers qui la menacent encore.

Que l’on pourvoie à un déficit du moment par des mesures également temporaires. Les époques calamiteuses ne sont pas celles qu’il faut choisir pour instituer de nouvelles taxes, car on ajoute ainsi la difficulté des circonstances à celle déjà bien assez grande d’inventer des contribuables et de trouver une base certaine à l’impôt.

Il a été question d’une combinaison semblable au décime de guerre ; on a parlé d’augmenter d’un dixième le taux de toutes les contributions. Ce projet d’une dîme républicaine, si l’on en bornait les effets à l’année 1850, aurait quelques avantages. Il permettrait d’attendre que l’on eût étudié les changemens nécessaires et possibles dans l’assiette de l’impôt, et que les taxes existantes eussent recouvré toute leur fécondité. Le gouvernement fait fausse route, quand il se propose principalement d’innover en matière d’impôt. Il devrait s’attacher, avant tout, à rendre les contributions productives, et à retrouver, par l’activité que la confiance imprime aux consommations, un revenu qui égale ou même qui surpasse celui de l’année 1847. Là gît véritablement, et non pas ailleurs, le problème de nos finances.

Avec un gouvernement résolu et avec le patriotisme qui anime la grande majorité des citoyens, ces résultats peuvent nous être prochainement acquis. La classe moyenne, un moment surprise et paralysée dans son action par les événemens de février, a bientôt repris courage. Avec le sentiment de ses droits, elle montre aujourd’hui la conscience des devoirs nouveaux, qui lui sont dévolus. C’est la première fois que l’on voit dans ce pays les hommes modérés de toutes les opinions s’unir dans une pensée d’ordre. Cette union, si l’on y persévère, sauvera les finances publiques, comme elle a déjà sauvé la société.


LÉON FAUCHER.