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avec de la cavalerie, et fut repoussé. Cependant la population alarmée avait conçu la malheureuse idée d’appeler les Russes à son aide. Le vieux Püchner, déconcerté lui-même par tant de coups si rapidement portés, prévoyant d’ailleurs une nouvelle attaque plus vive que la première finit par se rendre à cette idée qu’il semblait d’abord repousser, dans la crainte de s’engager plus qu’il ne convenait pour l’honneur de son gouvernement. L’effroi des habitans, l’impossibilité de tenir devant la petite armée de Bem, déterminèrent le général autrichien à solliciter, de concert avec la municipalité et l’évêque valaque Schaguna, la coopération du général Lüders. C’était, du point de vue officiel, une démarche de circonstance qui n’entraînait point l’intervention russe, une démarche prévue cependant par le cabinet de Saint-Pétersbourg. Sitôt qu’il y avait donné son assentiment. Quoique le cabinet de Vienne n’y songeât peut-être point, ne sachant pas encore à quel degré d’impuissance il allait tomber par ses fautes, il devait assez patiemment subir à cet égard ce que les circonstances commanderaient.

Hermanstadt est à quelques heures de la principauté de Valachie, où les Russes, campés depuis six mois, avaient pris un point stratégique d’où ils dominaient la Turquie et l’Autriche. Les troupes moscovites apportèrent aux populations d’Hermanstadt et au général Püchner le secours que ceux-ci demandaient. Sur le premier moment, Bem crut prudent de se replier au nord-est vers le pays des Szeklers, soit pour s’y renforcer de paysans belliqueux, soit pour donner le change à l’ennemi sur ses intentions. Dans tous les cas, il se voyait ainsi maître d’une position stratégique bonne pour la défense comme pour l’attaque. Les Austro-Russes devaient bientôt apprendre à leurs dépens comment il en saurait tirer parti. En effet, les Russes étant entrés à Hermanstadt pendant que Püchner en sortait dans l’idée de pousser çà et là quelques reconnaissances et de tendre, de son côté, quelques pièges au général polonais, Bem accourut avec toutes ses forces, surprit les troupes russes isolées en avant d’Hermanstadt, les battit à plate couture avec l’enthousiasme que devait ressentir en pareille occasion tout bon Polonais et sans laisser à Püchner le temps de leur amener des renforts, il les culbuta en pleine déroute jusque sous les murs délabrés de la ville Saxonne.

Les Russes ne pouvaient pas s’y défendre ; dans la crainte de voir leurs communications coupées, ils reprirent, dès le lendemain, la route de la Valachie. Comme pour donner à leur désastre un caractère plus sinistre et en augmenter l’effet moral, déjà grand, une partie de la population d’Hermanstadt, sous l’impression de la peur que lui inspirait Bem, se précipita pêle-mêle sur les pas des Russes et les suivit à travers l’étroit défilé de la Tour-Rouge. C’est avec une joie facile a comprendre que Bem contempla cette mise en scène, ce désordre, ces