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Le 15 février, on augmenta l’armée de Dembinski du corps de Georgey, qui annonçait un effectif de dix-neuf mille hommes, et qui, en réalité, n’en présentait que quinze mille. Quoique le fait n’eût rien en lui-même que d’ordinaire, il devait amener dans le présent et surtout dans l’avenir des conséquences décisives. George était ambitieux ; il était arrivé presque d’un seul trait du grade de lieutenant aux plus hautes fonctions militaires ; il se sentait d’ailleurs, le plus capable de généraux magyars ; il souffrait de voir les faveurs accordées au général étranger, et se résignait avec peine à recevoir des ordres d’un Polonais. Dembinski porta son quartier-général à Putnok, et écrivit à Georgey pour lui enjoindre de marcher sur Mikolcz, afin d’être en mesure d’appuyer les forces du corps principal. Georgey était à Kaschau, et répondit qu’il y resterait Il prétextait la nécessité de soutenir l’insurrection dans les comitats du nord, et de maintenir les communications entre la Hongrie et la Gallicie. Dembinski insista, et Georgey obéit.

Dembinski, n’ignorant point les dispositions de Georgey, s’appliquait à le gagner par de bons procédés : il le porta sur la liste des avancemens, et travailla ainsi à mettre la dernière main à sa fortune. Le plan de Dembinski était de marcher sur Metzo-Kœrs, de forcer là l’ennemi à une bataille, et de lui couper sa ligne d’opérations, basée sur le pont de Szolnok. Le 25 février, on était à Erlau. On savait avec exactitude la position des forces de l’ennemi : sur la gauche, un corps autrichien d’environ douze mille hommes, dans lequel comptait une partie de la garnison de Szohnok ; au centre, près de Hatvan, le maréchal Windischgraetz avec le gros de l’armée ; à droite seulement, quelques mille hommes près d’Arakschallas ; enfin, à l’extrême droite, à Peter-Vasar le corps de Schlik, qui cherchait à opérer sa jonction avec le maréchal Windischgraetz, mais qui ne pouvait y réussir avant deux jours. La situation était, pour une attaque, la plus favorable que l’on pût espérer, surtout si l’on parvenait à empêcher la jonction de Schlik. Klapka, chargé de cette mission, s’en acquitta très imparfaitement. En dépit de cette faute, il y avait encore de grandes chances de victoire, si l’infanterie et l’artillerie de Georgey tenaient solidement.

Dans la nuit du 25 au 26, Bembinski écrivit à Georgey de le venir trouver d’aussi grand matin que possible à Erlau, pour parcourir ensemble la ligne de bataille, afin que Georgey pût en pleine connaissance des choses remplacer le général en chef, s’il était tué. Après s’être fait attendre jusqu’à onze heures, Geogey vint et dit qu’il était impossible de compter sur ses troupes, qu’elles, attaqueraient avec succès un bois ou un village, mais qu’elles ne tiendraient pas en rase campagne contre du canon. Dès-lors la pensée de Dembinski fut de restreindre le théâtre de son action stratégique, de concentrer ses troupes,