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de Georgey, qui consistait à déboucher contre l’ennemi en deux colonnes, dont la première devait partir de Szolnok, sous les ordres de Damianitch, l’autre de Porozlo, sous le commandement de Georgey. Il en résulta qu’au lieu de détruire peut-être l’armée autrichienne derrière Szolnok, en suivant la stratégie savante de Dembinski, on laissa échapper les impériaux, et l’on exposa Damianitch et Georgey à être battus. Dembinski l’avait annoncé au général Vetter.

On voit quelle anarchie régnait au sein de l’armée magyare. De tous les jeunes généraux qui étaient devenus les maîtres de la situation par la chute de Dembinski, combien en était-il qui eussent déjà fait la guerre ? La plupart n’étaient arrivés à leurs grades que grace aux faveurs capricieuses de la révolution, et n’avaient point d’autre expérience. Il leur fallut bon gré mal gré en revenir aux plans de Dembinski, lequel d’ailleurs se contenta d’assister en amateur à l’exécution. L’armée autrichienne, qui n’était pas mieux commandée que les Magyars, était littéralement embourbée dans les plaines qui séparent Pesth de Szolnok. La cavalerie magyare finit par l’inquiéter de manière à la forcer à un mouvement de retraite. Cette armée eût pu encore une fois être détruite, si Georgey, au lieu de s’obstiner à prendre la bicoque de Bude, eût marché immédiatement sur Comorn. Dembinski en donnait le conseil, et en outre, une fois l’armée refoulée derrière Presbourg, il eût voulu que, par un coup de partie capable de réussir dans ce moment suprême, l’on poussât sur Vienne pour y traiter de l’avenir des Magyars et de leurs alliés. Et de fait, si M. Kossuth et le général Georgey avaient eu de l’essor et de la persévérance dans l’audace, quelle heure eût été plus propice pour frapper un grand coup ?

Je ne suis pas de ceux qui pensent que l’Autriche fût alors dans une situation désespérée ; je dirai plus, j’ai la conviction que si le cabinet de Vienne fût revenu promptement sur les fautes du prince Windischgraetz et sur la dissolution de la diète de Kremsier, l’empire eût en un mois retrouvé dans son propre sein la force qu’il est allé demander au czar. Cependant, quoique la maison de Habsbourg eût encore sous la main de grandes ressources, elle était dans une crise et comme dans un état d’étourdissement qui offrait les plus belles chances à l’audace de ses ennemis. C’était le moment d’oser. — Mais les Russes viendront, objectaient les Magyars. — Ils viendront de toute manière, répliquaient les Polonais, et c’est pourquoi, avant qu’ils soient venus, il est prudent de profiter de tous nos avantages et de pousser l’Autriche l’épée dans les reins à outrance. — Pourtant, reprenaient les Magyars, si nous restions renfermés scrupuleusement dans les limites de la Hongrie, l’Europe, tenant compte de notre modération, reconnaîtrait plus facilement notre indépendance ; la Russie n’aurait pas de prétexte pour