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quand on sait que si peu de personnes sont aptes à les réfuter, à rétablir la vérité. Sans doute encore, le champ est vaste pour les projets des empiriques ; mais qu’on y prenne garde : on sait quels ont été pour la marine les résultats de la diversité des projets. Les derniers temps d’ailleurs ont mis à jour bien des chimères, ont réduit à néant bien des utopies. Une cruelle et coûteuse expérience a fait apprécier la juste valeur de ces panacées écloses et élaborées dans la creuse imagination de quelques hommes de bonne foi peut-être., de bonne foi sans doute, mais qui n’ont jamais fait entrer la pratique en ligné de compte dans leurs élaborations.

Certainement il y a des vices dans la marine, il y a des vices d’organisation, comme il y a des vices de forme : il y a des complications, la plupart maladroitement imposées, que l’on peut tenter de simplifier ; mais ces vices d’organisation ne sont presque tous que des problèmes qui ne sont pas résolus, des problèmes que les capacités les plus reconnues se sont appliquées à résoudre sans y réussir, sur lesquels les intelligences de premier ordre ont échoué. Ce sont ces problèmes non résolus, toujours à l’état d’étude, qui constituent les principaux vices d’organisation que nous déplorons. L’enquête les reconnaîtra et s’appliquera à les résoudre ; nous avons confiance qu’elle y parviendra. Qu’on sache bien cependant d’avance qu’elle entreprend une des tâches les plus ardues, un des travaux les plus ingrats.

Quant aux vices de forme, tout ministre énergique qui pourra être assuré de quelque stabilité, — si, hélas ! Cela est désormais possible, — est maître de les faire disparaître. On ne peut mieux s’exprimer qu’en disant- « Il faut un coup de fouet à la marine. » En effet, l’autorité, déjà minée de longue main, a suivi dans la marine la décadence qu’elle suivait partout ; cependant, là plus qu’ailleurs, elle demande à être raffermie, non pas parce que là plus qu’ailleurs elle a dégénéré, mais parce que là plus qu’ailleurs elle est indispensable au bien du service. On peut constater avec fierté néanmoins qu’à une époque de désorganisation sociale comme celle que nous traversons, à une époque où le principe d’autorité est si facilement méconnu, où ce principe, miné par des passions aveugles que dirigent des ambitions de bas étage, tend à s’affaiblir partout où il devrait dominer, on peut être fier de constater, dis-je, que l’esprit de subversion des principes les plus primitifs, naguère mis en honneur, n’a point pénétré, même aux plus mauvais jours, dans les rangs de la marine.

Oui, un ministre, par sa seule volonté, peut détruire les vices de forme, mais à la condition qu’il soit assuré de quelque stabilité. On a cité Colbert ; on cite toujours Colbert en matière de marine. Sans doute Colbert est le père de la marine, et la marine ne veut pas renier son père ; mais, sans rompre avec cet illustre aïeul, faisons-lui la part