Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 4.djvu/1078

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

longue, la majeure partie de l’équipage est ainsi changée. Sans doute l’équipage est alors moins exercé, et on conçoit qu’il est pénible pour un capitaine, s’il conserve le commandement du bâtiment, ce qui est rare, de perdre une partie du fruit de ses travaux, et d’avoir de nouvelles éducations à faire. Les plaintes qu’il élève alors, et dont on s’est fait l’écho à la tribune, sont secondaires, et mal fondées, car ce qu’il appelle une désorganisation n’est qu’une navette légale imposée par la nécessité de ne conserver les matelots que trois ans au service. Des économies budgétaires ont pu obliger récemment de réduire le nombre des matelots, et il s’est trouvé que dans l’escadre de la Méditerranée les hommes de nouvelle levée ont été en nombre moyen plus élevé qu’on ne l’avait prévu. On s’est écrié alors que les équipages de l’escadre étaient désorganisés : exagération à ajouter à tant d’autres, et sur laquelle le public doit être détrompé. Les vaisseaux si habilement manoeuvrés, si rapidement exercés, ont dû être seulement pendant quelque temps moins rapides dans leurs manœuvres, moins habiles dans leurs exercices. L’escadre n’était pas pour cela désorganisée, ou, si elle l’était, c’était par le fait de notre organisation, autant que par la nécessité politique, à laquelle l’administration de la marine ne peut rien, de réduire les dépenses publiques.

On a encore voulu nous comparer, sous ce rapport, à la marine anglaise ; ce cas ne s’y présente pas. En Angleterre, quand on arme un bâtiment, c’est pour une période de trois ou quatre ans. Pendant cet espace de temps, l’armement, l’équipage, l’état-major, le capitaine, sont invariablement unis ensemble. Il ne peut y avoir que peu de mutations, car on évite autant queZpossiblè de faire rentrer le bâtiment en Angleterre. Cette période accomplie, le bâtiment est toujours désarmé ; il est très rare qu’il la double : dans ce cas, il a toujours un capitaine et un équipage nouveaux. Si l’équipage d’un bâtiment anglais met un an à se former, chaque bâtiment est ainsi, après cette année d’études, pendant deux ou trois ans, dans un état parfait d’efficacité. Notre système diffère de celui-là. Ayant une flotte moins nombreuse et presque autant de bâtimens armés, nous sommes obligés de laisser ordinairement un bâtiment à l’état d’armement tout le temps qu’il peut tenir sur l’eau sans de grandes réparations. Chaque personne à bord y accomplit son temps de service et y est remplacée par un nouveau venu. Il y a toujours ainsi un noyau d’équipage plus ou moins nombreux qui transmet les traditions, et qui maintient le bâtiment dans un certain degré d’efficacité : elle est moyennement la même que celle du bâtiment anglais, elle est plus continuelle ; mais la fréquence des mutations est désavantageuse, en pratique.

Dans les évaluations comparatives de l’efficacité des bâtimens de