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Sous le titre modeste d’Études sur les lettres, les arts et l’industrie, pendant le quinzième siècle, il n’entreprend rien moins « qu’une histoire des arts au moyen-âge dans les pays situées au nord de l’Italie, histoire négligée par les contemporains, et qu’il appartenait à notre époque d’écrire. » M. de Laborde partage l’opinion d’Émeric David sur l’espèce de filiation non interrompue de l’art depuis les Grecs jusqu’à nos jours. Aux époques où on nie l’existence de l’art parce que, dit-il, on ne trouve pas son histoire toute faite et tout imprimée, l’art n’en a pas moins occupé une place importante dans les goûts et les habitudes des hommes ; « mais, ajoute M. de Laborde, sa trace ne se retrouve plus que sous la poussière des archives et dans les collections éparses. La recherche des documens inédits, l’étude critique des monumens originaux, telle est donc la base d’une histoire vraie des arts en Europe, et particulièrement en France pour l’époque qui précéda, qui prépara ce qu’on est convenu d’appeler la renaissance au XVIe siècle. »

Ces élémens d’une histoire vraie des arts au moyen-âge, M. de Laborde les a cherchés, et retrouvés en partie, dans les archives des ducs de Bourgogne. Les inventaires, si fréquemment renouvelés dans ces époques de troubles incessans ; les correspondances ; d’autant plus actives qu’elles étaient le seul remède de publicité aux XIIIe, XIVe et XVe siècles, lorsque la presse n’existait pas encore ; les comptes, cette source d’informations authentiques et incontestées, toutes ces diverses séries de documens compulsées par lui avec un zèle et une patience qu’on ne saurait trop louer, lui fournissent une multitude de renseignemens précieux et jusqu’alors inédits. Nous avons surtout remarqué un passage relatif à Jehan Van-Eick, — l’éminent promoteur de l’école naturaliste des Flandres, qui n’inventa pas la peinture à l’huile, comme on l’a prétendu, mais qui en simplifia et en popularisa l’emploi. Chacun des paragraphes de ce passage est justifié par quelque article, souvent fort détaillé, parfois même motivé, des comptes tenus par Guy Guillaut, Gautier Poulain, Jehan Abonnel, Guillaume Pouppet ou autres, trésoriers où receveurs des finances des ducs de Bourgogne, et qui sont déposés aux archives de Lille. Il est impossible de restituer d’une façon plus authentique les points ignorés ou douteux de la vie du peintre fameux du rétable de Saint-Bavon, et de mieux faire comprendre combien la protection que ces redoutables ducs de Bourgogne accordaient à leur peintre favori était à la fois généreuse et délicate.

C’est donc avec raison que M. de Laborde attribue à la protection souvent intelligente de ces princes fastueux, et à l’impulsion donnée par eux dans le XIVe siècle et continuée dans tout le cours du XVe, plutôt qu’aux influences locales du sol, de la race et du climat, le développement d’un art original dans, les Flandres. M. de Laborde, a fort heureusement caractérisé cette originalité qui procède, avant tout, de l’imitation de la nature, en disant de l’art flamand qu’il n’est qu’un portrait, mais, après nous avoir révélé ses origines, n’exagère--t-il pas quelque peu son importance, et ne se montre-t-il pas disposé à étendre la portée de son influence ? Cette manifestation de l’art flamand, qu’il appelle la renaissance du XVe siècle, se répandit tout d’abord dans toute l’Europe occidentale ; elle envahit même l’Espagne, où elle imprima sur plus d’une œuvre son caractère d’individualité, et gagna bientôt l’Italie, qui lui emprunta des procédés ; mais bientôt, énergiquement refoulé par l’irrésistible mouvement de