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au théâtre aient eu quelque influence sur la détermination de son père. Quoi qu’il en soit, il est certain qu’Angelica Catalani, après avoir fait partie de la chapelle du roi de Portugal, se décida à remonter sur la scène, parce que les émolumens qu’on lui accordait comme cantatrice particulière ne suffisaient pas aux besoins de sa nombreuse famille dont elle était l’unique soutien.

Dans la troupe de chanteurs italiens qui vint desservir le théâtre de Lisbonne en 1799, se trouvaient la Gafforini, contralto admirable, et Crescentini le dernier sopraniste d’un mérite éminent qu’ait produit l’Italie. Entourée de pareils virtuoses, la vertu et la beauté de Mlle Catalani brillèrent du plus vif éclat. L’exemple et les conseils de Crescentini surtout furent pour la jeune Angelica d’un secours immense. Sous la direction de ce maître, dont l’école était bien autrement sévère que celle de Marchesi, Mlle Catalani apprit à mieux phraser et à corriger quelques-uns des défauts de sa merveilleuse vocalisation. Pendant six années, Mlle Catalani fut l’idole de la cour et de la ville de Lisbonne. La réserve de ses manières, sa douce piété et la rare bonté de son cœur la faisaient chérir de tous ceux qui l’approchaient. Le régent la traitait comme l’un de ses enfans.

Lorsque le général Lannes fut envoyé comme ambassadeur de France en Portugal, il avait avec lui un jeune officier français qui devait avoir une grande influence sur la destinée de la célèbre cantatrice. M. de Valabrègue, capitaine au 8e régiment de hussards, était un homme aimable, aux manières parfaitement distinguées. Les avantages de sa personne, la vivacité de son esprit et surtout l’élégance de son uniforme firent impression sur Mlle Catalani, qu’il avait occasion de rencontrer souvent dans le salon de l’ambassadeur de France. M. de Valabrègue n’eut pas de peine à partager les sentimens qu’il inspirait, et, comprenant d’ailleurs que la voix de la jeune cantatrice pouvait devenir la source d’une grande fortune, il demanda sa main. La famille et les nombreux amis de Mlle Catalani ne voyaient cette union qu’avec une répugnance extrême. À toutes les objections qu’on lui faisait pour la détourner de ce mariage, Mlle Catalani répondait en baissant les yeux : Ma che bell’ offiziale ! Le bel officier finit par l’emporter en effet ; il épousa Angelica Catalani dans la chapelle de la cour, sous les auspices du prince régent et du général Lannes. Mme de Valabrègue, qui a toujours conservé son nom de famille, quitta Lisbonne au commencement de l’année 1806. Elle venait de contracter un riche engagement pour le théâtre italien de Londres. Elle se rendit d’abord à Madrid, où elle donna plusieurs concerts, qui lui rapportèrent des sommes considérables ; puis, traversant la France, elle vint à Paris dans les premiers jours du mois de juin 1806. Sa réputation l’y avait précédée, et les journaux du temps annoncèrent son arrivée de manière à piquer vivement la curiosité du public. Mme Catalani donna à l’Opéra trois concerts qui attirèrent une foule considérable. Le prix des places fut triplé dans cette circonstance : un billet de parterre coûtait 9 francs, un balcon 30 francs, et ainsi de suite. Au premier concert, qui eut lieu le 22 juillet, Mme Catalani chanta deux airs de Cimarosa et un air de la Semiramis de Porto-Gallo : Son regina ; au second concert, qui fut donné le 11 du mois d’août, elle choisit un air des Bacanali di Roma, musique de Nicolini, un autre de la Zaïre de Porto-Gallo, et puis encore celui de la Semiramis du même compo-