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la chute se passât doucement, il en est à ne point se trouver trop mal. Le pays batailleur et conspirateur ne permettra pas encore impunément à un pouvoir d’être faible ; il n’a presque rien perdu de sa détestable activité. Les prisonniers que la république a été obligée de faire sur les républicains portent des toasts « au prochain triomphe du peuple ! » — « Nous voulons, disent-ils dans le jargon mélodramatique avec lequel leurs docteurs les abrutissent, nous voulons que la France devienne le modèle des nations, l’effroi des oppresseurs, la consolation des opprimés. » Le journal de M Proudhon va renaître ; les journaux infimes qui ont hérité du sien se propagent avec une rapidité sur laquelle il ne faut pas s’aveugler, et pendant que l’industrie renaissante convie les ouvriers à des travaux de bon aloi, ils essaient encore de les embaucher dans leurs funestes inventions de solidarité, plans et systèmes de factieux ou de charlatans qui ne sont que des engins de friponnerie quand ils ne sont pas des cadres de guerre civile. Pour compléter le tableau sans croire y ajouter rien de plus terrible, n’omettons pas la réapparition de M. Louis Blanc. M. Louis Blanc semble convaincu que l’éloignement de l’exil a transformé son tabouret en piédestal ; il y grimpe avec une infatuation plus âpre que jamais ; il guinde péniblement son éloquence au niveau le la poésie de Lefranc de Pompignan, et il prêche, dans cette langue creuse qu’il adore, le nouveau monde où il sera dieu. Lorsque le temps arrivera où l’histoire prononcera sur la misérable année 1848, l’un des signes les plus frappans auxquels on reconnaîtra notre déchéance, ce sera d’avoir eu à subir cette vide et insolente phraséologie.

Tournons maintenant un peu nos regards vers le dehors, et reposons-les sur des perspectives moins attristantes.

C’est vraiment un grand spectacle que cette ferme assiette du gouvernement et de la société britanniques au milieu des commotions qui ébranlent ou qui bouleversent le reste de l’Europe. L’Angleterre a sans doute aussi ses maux et ses fautes. Ses grandes villes sont cruellement visitées par l’épidémie régnante ; ses misères d’Irlande ne cessent pas de saigner ; il y a dans son vaste empire colonial, soit au plus près, soit au plus loin, au bout du monde ou au sein de la Méditerranée, il y a de temps en temps des désordres qui tiennent plus encore peut-être aux torts de l’administration qu’au fond même des choses. Voilà le côté sombre, la mauvaise page ; mais quand on l’aura portée tout entière en ligne de compte, il reste encore la bonne, qui est merveilleuse. Supposez un secrétaire des colonies moins malencontreux que le comte Grey ; il est fort à croire que la situation de quelques-unes d’entre elles serait dégagée très vite d’embarras trop gratuitement suscités. Voyez plutôt la tranquillité dont jouit aujourd’hui lord Palmerston, et comme les relations extérieures de son pays ont pris un autre aspect depuis qu’il est lui-même devenu d’humeur pacifique. En 1848, il querellait et provoquait l’Europe : la France, l’Espagne, Naples, l’Autriche, servaient tour a tour de cible aux exercices de sa diplornatie tracassière ; on eût dit qu’il allait entraîner l’Angleterre dans les risques d’une intervention universelle. Vient le terrible avertissement de février ; il plaît alors au Foreign Office de se replier sur lui-même et de se procurer les douceurs de la politique expectante l’Angleterre rentre à sa volonté dans le calme tout puissant de la force au repos. Elle se contente de laisser ouvert chez elle aux réfugiés de chaque nation et de chaque parti l’asile que leur assurent ses lois ; elle ne s’inquiète pas, elle ne se soucie pas de ceux qui seraient dangereux partout ailleurs ; elle