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l’histoire de cette glorieuse prise d’armes par la publication d’un précieux recueil de lettres de cavaliers, écrites, pour la plupart, à leur héroïque chef, le prince Rupert. Avant le livre de M. Warburton, il n’existait pas de biographie du chef des cavaliers. En fouillant avec une patience minutieuse les archives publiques et privées, en commentant ses découvertes à l’aide des livres déjà publiés sur cette dramatique époque, en soudant et illustrant ces documens d’un style plein de couleur et de relief, l’auteur des Mémoires du prince Rupert a composé un ouvrage aussi intéressant pour l’homme du monde que pour l’érudit. Il faut joindre le ce livre la Correspondance des Fairfax, formée de matériaux semblables empruntés aux hommes du parti contraire, aux têtes-rondes, éditée également avec la magnificence anglaise par un de ces libraires comme on n’en voit plus dans notre France démocratique, M. Richard Bentley. C’est quelque chose d’émouvant et de fortifiant que la lecture de ces lettres de soldats couchés depuis si long-temps dans la tombe honorable que souhaitait sir Bevill Grenvil. Elles sont courtes, rapides, haletantes. Elles ont été écrites au bivouac, sur une table d’auberge ou sur un tambour. Un grand nombre portent sur la suscription : « Pressée, pressée, très pressée, » et sont endossées par les divers officiers aux mains desquels elles ont couru. Elles ont traversé le feu des champs de bataille. Plusieurs ont été interceptées ; les taches de sang noirci qui les couvrent encore témoignent de la fidélité avec laquelle elles furent défendues. Il y en a qui ont été trouées par les balles sur la poitrine des porteurs. Singulière fortune pour ces vieux papiers, qui furent dans leur temps des tisons de guerre civile, de sortir de leur poudre cinéraire après deux siècles, et de se renflammer dans une Europe encore fumante des batailles révolutionnaires !

En parcourant ces lettres, on fait comme les combattans qui les écrivirent, et c’est aussi, je vous jure, un des charmes de ces volumes. On se laisse aller à l’émotion actuelle, on suit les événemens qui se précipitent sans songer à débattre la légitimité ou l’injustice des causes hostiles, sans s’inquiéter un instant de la philosophie de l’histoire. Le temps des discussions est loin ; il ne s’agit plus de bien dire, il s’agit de se bien battre. On ne fait un retour rapide sur le passé que pour se pénétrer des sentimens des deux armées et pour mieux comprendre la bataille même.

Vous vous souvenez de ces pages courantes et profondes où le cardinal de Retz raconte, en prélude à la fronde, comment s’éteignirent les vieilles libertés françaises et comment grandit chez nous le despotisme royal. La contre-partie de ce tableau serait la digne préface de l’histoire de la révolution anglaise. Les parlemens anglais avaient long-temps couvé dans l’humiliation et la servilité leurs privilèges populaires. Henri VIII avait quelquefois fait pendre des membres des