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la vie de Strafford. Il précipita seulement la perte de son ami. Les lords, offensés de l’intrusion de la couronne dans leurs délibérations et s’enhardissant de tout ce que la démarche du roi décelait de faiblesse, frappèrent Strafford sur le chef de haute trahison. Qui timide rogat docet negare, disait Pym avec dédain.

Il ne fallait plus que la sanction royale au bill d’attainder. Strafford écrivit au roi une lettre héroïque ; il y disait : « J’ai devant moi la ruine de mes enfans et de ma famille ; j’ai devant moi les maux nombreux qui peuvent s’appesantir sur votre personne sacrée et sur tout le royaume, si le parlement et vous, vous vous séparez moins satisfaits l’un de l’autre qu’il n’est nécessaire à la préservation du roi et du peuple ; j’ai devant moi les choses les plus estimées, — les plus redoutées des hommes : la vie ou la mort. Dire, sire, qu’il n’y a pas eu de combat dans mon cœur serait me faire supérieur à l’homme dont Dieu connaît en moi les infirmités. Appeler la destruction sur mes enfans et sur moi, on ne peut croire que cela se fasse du consentement facile de la chair et du sang. Cependant, avec beaucoup de tristesse, j’en suis venu à une résolution que je regarde comme la plus convenable pour moi, la plus conforme à la prospérité de votre personne sacrée et de la communauté, choses infiniment supérieures à l’intérêt d’un homme. C’est pourquoi, en peu de mots, m’en remettant entièrement à la justice et à l’honneur de mes pairs, aussi formellement que j’ai désiré que votre majesté se fût épargné sa déclaration de samedi dernier et m’eût entièrement abandonné à leurs seigneuries ; — ainsi, aujourd’hui, pour mettre en liberté la conscience de votre majesté et prévenir les maux qui pourraient être la conséquence de votre refus, je vous prie de sanctionner ce bill, et par ce moyen d’écarter, s’il plaît à Dieu, cette affaire, je ne peux pas dire maudite, mais malheureuse, de la voie qui doit vous conduire à l’accord béni que Dieu, j’espère, établira pour toujours entre vos sujets et vous. » Cette grandeur d’ame ne put électriser la volonté de Charles. Entouré de lâches conseillers, pressé, dit-on, par la reine, qui appréhendait que la colère du parlement ne se tournât contre elle, Charles, noyé dans le plus impardonnable de ses découragemens, signa la sanction de l’arrêt de son noble serviteur en disant : « La condition de mylord de Strafford est maintenant plus heureuse que la mienne. » Il fit encore le lendemain une maladroite, pusillanime et vaine tentative pour le sauver. Il écrivit aux lords une lettre pour leur demander que la peine de mort fût commuée en celle de l’emprisonnement ou de l’exil et, dans un incompréhensible post-scriptum, il ajoutait, détruisant tout l’effet de sa lettre : « S’il doit mourir, ce serait charité de lui donner sursis jusqu’à samedi. » Une députation de quatorze pairs vint porter la réponse : « Ils ne pouvaient conseiller ni l’une ni l’autre des deux intentions exprimées