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Lintz avait un brave gouverneur, le comte de Kuffstein, qui s’intéressa au sort de son prisonnier. Ce gouverneur avait une fille qui s’attendrit davantage encore sur l’infortune du palatin. Mlle de Kuffstein possédait une ame dont les qualités égalaient, dit la chronique du prince Rupert, « les charmes de son beau corps. » Il l’aima et fut aimé d’elle. Sa maîtresse et son chien, un chien si beau que le Grand-Turc en voulut avoir la race, et si fidèle que les puritains crurent plus tard qu’il était le diable familier de Rupert, — lui adoucirent sa longue détention. Elle dura trois ans. Il avait obtenu d’être prisonnier sur parole. Un jour, l’empereur vint chasser l’ours dans le voisinage de la forteresse ; Rupert, comme cela se passe dans les contes bleus, s’alla mêler à la chasse impériale et attira sur lui un regard clément du souverain. Il put venir à Vienne. Charles Ier avait besoin de son épée, et réclamait sa liberté avec instance. L’empereur la lui accorda sous la condition qu’il ne porterait plus les armes contre l’empire. Il lui offrit un commandement contre les Français ; Rupert répondit qu’il ne commettrait jamais la lâcheté de combattre les alliés de sa famille. Il partit enfin, arriva à Douvres au moment où Henriette-Marie s’embarquait pour la Hollande, et y allait chercher de l’argent, des munitions, des secours pour la guerre que méditait Charles. Rupert accompagna la reine ; lorsque la levée de l’étendard fut résolue, Henriette le renvoya auprès de son mari, qui l’avait nommé général de sa cavalerie. Rupert rejoignit Charles Ier à quelques lieues de Nottingham.

Quand on passe la revue des hommes qui entouraient alors Charles Ier, on est forcé de toute façon de donner ses sympathies à la cause royale, et involontairement, malgré l’histoire, l’on se prend à en espérer le succès. La vraie probité politique était alors de son côté. Charles avait fait au parlement les plus grandes, les plus sincères concessions. Le parlement n’avait pas voulu modérer sa victoire ; c’était lui-même à présent qui, en usurpant les plus justes prérogatives de la couronne, en s’emparant des attributions du pouvoir exécutif en subissant les exigences populaires les plus mobiles et les plus insatiables, violait la constitution. Ainsi en avaient jugé les hommes les plus modérés d’abord partisans du parlement, tels que Falkland, Hyde, Colepepper, qui avaient accepté maintenant d’être ministres du roi. Le plus beau caractère parmi cette nuance des cavaliers était celui de Falkland. Falkland avait trente-deux ans au commencement de la guerre civile. Il avait été, tout jeune, maître d’une immense fortune. Il avait vécu dans la retraite, s’occupant de philosophie et de littérature, n’ayant commerce qu’avec les hommes de bien et les gens d’esprit. Il fut membre du court parlement et en rapporta, pour les institutions parlementaires, cette admiration de patriote et d’artiste qu’elles ont inspirée à tant de beaux génies. Dans le long parlement,