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duel singulier. S’il vous plaît d’accepter cette offre, vous ne me trouverez pas lent à tenir ce que j’ai dit ou promis. Je sais ma cause si juste que je ne crains rien ; car ce que je fais est agrable à la fois aux lois divines et humaines, — défendant la vraie religion, la prérogative d’un roi, le droit d’un oncle, la sûreté d’un royaume.

« J’ai tout, dit, et le surplus que vous pouvez attendre de moi vous sera dit sur un champ plus large qu’une petite feuille de papier, et ce par mon épée et non par ma plume. En attendant, je suis votre ami jusqu’à notre prochaine rencontre.

« Rupert. »


Comme on pense bien, le comte d’Essex n’amena point ses troupes au rendez-vous et y vint encore moins de sa personne. Rupert l’alla chercher. Il eut une brillante affaire près de Worcester, où il chargea et enfonça la meilleure cavalerie des têtes-rondes. Ce début donna une vive confiance aux cavaliers. Notre vieille connaissance, sir Bevill Grenvil, écrivait à cette occasion à sa femme, — à sa meilleure amie, lady Grace Grenvil : « Le vaillant prince Rupert marche glorieusement au service de son oncle ; il a donné un autre coup à l’ennemi plus grand que le premier, et a détruit leur cavalerie avec la sienne, de sorte que le grand cuckold (il veut parler d’Essex, je n’ose traduire le mot) est forcé de s’abriter avec ses gens de pied derrière les murs de Worcester… J’espère que nous reverrons bientôt de bons jours. » En ce temps-là, les forces royales se réunirent à Shrewsbury. Elles étaient encore très imparfaitement années et équipées, tous les magasins et arsenaux militaires étant au pouvoir du parlement. Charles passa ses recrues en revue. On se préparait à une bataille décisive. Le prédicateur du roi, le docteur Symmons, prononça devant l’armée une admirable exhortation par laquelle on peut voir l’esprit vraiment chrétien qui animait les cavaliers. Le docteur Symmons s’adressait aux deux classes du parti, les licencieux à la façon de Lunsford, les cœurs généreux à la manière de Falkland. Aux premiers il disait : « Hélas ! Vaillans gentilshommes et chrétiens, vous savez tous qu’il y a trop et de trop grandes raisons données par quelques-uns d’entre vous à nos ennemis pour dire du mal de nous ; c’est pourquoi je vous prie, dans la crainte de Dieu, de vous montrer dignes d’être employés par lui. Vous qui êtes chefs, je vous demande de punir plus strictement le péché, conformément aux ordres militaires prescrit par sa majesté sacré, votre religieux maître. » Aus seconds, il adressait ces nobles paroles : « Un parfait cavalier est un enfant de l’honneur. Il est l’unique réserve de l’honneur et de la valeur anglais, et il a mieux aimé s’ensevelir lui-même dans une tombe d’honneur que de voir la noblesse de sa nation mise en vasselage, la dignité de son subjuguée ou obscurcie par un vil ennemi domestique ou par un étranger autrefois